Les écovillages et les Plans d’Aménagement d’Ensembles

par Marie-Louise Roy M.Sc.A. Architecte et urbaniste La loi 125, par le biais des réglementations municipales, permet à une ville de zoner son territoire. Plusieurs approches de zonages sont possibles. Je parle ici de territoire en zone urbaine souvent appelée zone blanche par opposition à zone verte (le territoire agricole). Tout territoire en zone agricole relève d’une autre loi de juridiction provinciale.  Les municipalités doivent tout simplement s’y conformer et toute demande d’amendement doit faire l’objet d’un long processus auprès des autorités provinciales. C’est la municipalité qui doit piloter le dossier d’amendement.  Ce processus est possible via la révision des schémas d’aménagement des MRC (Municipalités Régionales de Comté). En zone blanche, donc urbaine,  nous retrouvons habituellement un zonage standard.  Qu’il soit résidentiel, commercial, industriel ou encore communautaire (parcs, écoles, garderies, centres communautaires, etc.) il spécifie de façon claire la nature de l’utilisation du sol. Il existe aussi d’autres types de zonages tels le zonage conservation (grands espaces verts) et le zonage indéterminé qui exige un processus d’approbation dans le développement futur de la ville.  Ce dernier type de zonage donne souvent les grandes lignes des usages et densités d’habitation. Une nouvelle approche de zonage est apparue depuis certaines modifications à la loi 125.  Elle se prénomme le Plan d’aménagement d’ensemble (PAE). Ce type de zonage permet une grande flexibilité au niveau des usages, dans la mesure où ces derniers sont compatibles entre eux et s’insèrent au milieu environnant. Les écovillages, s’ils ne sont pas de vocation majoritairement agricole peuvent très bien s’insérer à l’intérieur de cette approche de zonage. Le PAE représente l’outil idéal de présentation et de négociation auprès des villes afin d’implanter un écovillage. Prenons à titre d’exemple un projet d’écovillage où le moteur économique principal de l’écovillage est de nature touristique : auberge relais de santé avec cuisine biogénique, forfaits de remise en forme, ateliers éducatifs, centre d’art regroupant les produits artistiques provenant des artistes de l’écovillage, transformation artisanale des produits de la ferme en provenance d’un écovillage agricole: boulanger, fromager, mise en conserve, etc.  Tous ces usages permettent de mieux saisir la dynamique du village en devenir.  Par la suite, il importe de définir quelles seront les approches écologiques d’implantation du village : approche de construction: maisons saines, approche énergétique: solaire passif/actif, éolienne, centrale au fil de l’eau; mode de gestion des déchets, mode gestion des eaux usées. Il est important de définir les standards d’implantation de l’écovillage; ceux-ci étant habituellement plus élevés que ceux de la ville dans laquelle le projet s’implante. Les écovillages peuvent, s’ils le désirent, développer des expertises selon les spécialités et les compétences de ses habitants. C’est la force même des écovillages. Les projets d’écovillages présentés via les PAE doivent contenir les informations suivantes pour que les villes puissent les analyser et évaluer leur niveau de faisabilité à l’intérieur de leur structure actuelle et du milieu environnant : Dimension de l’écovillage La dimension de l’écovillage est déterminante de plusieurs choix de planification et tous les points identifiés ci-après n’ont pas la même importance si l’écovillage abrite 10 ou 100 familles.  Il faut déterminer la dimension d’un territoire en fonction de ses capacités d’accueil et du nombre de familles voulant y vivre. La dimension de l’écovillage sera également déterminante du niveau d’interaction avec la ville d’accueil. Tenure des terres Il est important de définir au préalable de quelle façon le territoire sera géré.  S’agit-il d’une coopérative, de copropriété divise et/ou indivise, d’une fiducie foncière habitable ou de toute autre approche de propriété qui convient aux membres de l’écovillage? Cette information est primordiale car elle donne le ton au projet. Les aires communes et les aires privées viennent également donner une information supplémentaire pour la bonne compréhension du concept du projet. La ville saura immédiatement quelle sera son interaction administrative avec l’écovillage (routes publiques, déneigement, enlèvement des ordures ménagères, etc.). Elle permettra de définir le niveau d’interaction et d’interdépendance avec la ville d’accueil. Localisation en fonction de la philosophie et dynamique économique La philosophie de l’écovillage doit être identifiée de même que sa spécificité économique en fonction de l’environnement bio-physique  et des potentiels du territoire choisi.  Il est plus pertinent d’implanter un écovillage à caractère touristique dans une région déjà touristique et un écovillage agricole sur une terre agricole! Mais un écovillage peut avoir plusieurs dynamiques économiques, comme un vignoble biologique pour fabriquer du vin bio.  Il faut construire l’économie de l’écovillage à court , moyen et long terme.  L’écovillage doit aussi être en mesure d’évoluer dans ses ramifications économiques. Les usages prévus et leurs localisations dans un environnement bio-physique Les usages prévus sont la pierre angulaire du projet. Leur localisation, inspiré des règles de l’art en matière d’écovillage permettra de planifier un réseau résidentiel communautaire et une économie de services basés sur les valeurs écologiques et environnementales de l’écovillage. Les différents usages doivent se localiser là où ils sont en harmonie avec le milieu environnant.  Toute une étude bio-physique du site est primordiale afin de bien penser le projet dans son ensemble.  À titre d’exemple, si une agriculture de soutien (jardins communautaires) est prévue dans l’écovillage, il y aurait lieu de la localiser sur les parties du territoire les plus fertiles. Le communautaire et le socio-culturel Il est important de définir le niveau d’autarcie de l’écovillage par rapport à la ville d’accueil et aux services offerts dans l’écovillage.  L’écovillage sera-t-il assez important pour qu’une école primaire y soit construite?  Cette dernière sera-t-elle de nature privée ou de nature publique? Y aura-t-il un secteur d’échanges commerciaux dans l’écovillage?  À titre d’exemple, si une boulangerie très créative au niveau de ses produits attire une clientèle de l’extérieur, sera-t-il possible d’aller y acheter des produits  dans l’écovillage? Toutes ces informations importent dans le design final de l’écovillage. Mais ce qui importe le plus, c’est le désir et la motivation à vivre dans un écovillage qui assure le succès de la réalisation du projet. Les négociations avec les villes demeure un élément clef dans une telle démarche et plusieurs options sont offertes afin de convaincre les autorités du bien fondé d’un projet. Pour influencer les décisions municipales en la faveur d’un écovillage, il est possible de jouer la carte VERTE, celle des espaces naturels protégés avec leurs multiples financements :  Le programme national pour le développement d’un réseau privé d’aires protégées,  loi 149 sur les réserves naturelles en milieu privé (exemption de taxes), le programmes de dons écologiques, le visa fiscal sur les espaces naturels à protéger).  Un écovillage dans sa ville, ça peut fournir du capital politique intéressant pour gagner des élections… Un rappel pour les écovillageois en devenir :
  • Trouvez un terrain
  • Négociez et obtenez les autorisations des multiples paliers de gouvernements
  • Créez un processus où les gens peuvent œuvrer à l’intérieur de plusieurs sous-groupes de discussion.
  • Faites émerger un design d’aménagement des lieux de l’écovillage
  • Recherchez les technologies douces les plus au point pour l’écovillage et ce au niveau des bâtiments, de la gestion de l’eau, et des énergies renouvelables
  • Apprenez à résoudre des conflits
  • Trouvez du financement
  • Fondez une famille, cultivez vos relations interpersonnelles et faites un travail rémunérateur qui vous stimule
Si vous croyez que l’implantation d’un écovillage dans une ville semble un processus utopique, je vous réfère à d’autres exemples de projets, non écologiques, qui ont su se gagner un statut particulier auprès des villes.  À titre d’exemple, la station de ski Mont-Tremblant plaque tournante du tourisme à l’échelle internationale; les réserves amérindiennes qui elles, sont carrément de juridiction fédérale et enfin certaines communautés religieuses, je pense ici à la communauté juive hassidique de ma propre ville.  Ils possèdent un art de vivre différent de la majorité et nécessitent un aménagement du territoire particulier. L’essence même d’un écovillage n’est-il pas de proposer un art de vivre différent, basé sur le respect de la Mère Terre, puisque d’autres types de communautés invoquent cette même raison pour se différencier, il est donc pertinent que les bâtisseurs d’écovillages fassent de même auprès des autorités municipale pour l’approbation de leur projets.

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