Agriculture vivante et durable

par Gabriel Gauthier C’est à la suite d’une conférence tout à fait passionnante de M.Claude Bourguignon, microbiologiste des sols et ingénieur-agronome d’origine française, que j’ai eu le désir de vous partager ce qui m’a touché et emballé cette journée-là. Le sujet était : “le semis direct sous couvert végétal vivant”. Ce que monsieur Bourguignon nous propose est une véritable révolution verte pour le monde agricole. Une façon de faire l’agriculture en harmonie et en respect de la vie secrète du sol, de la nature et très propre pour l’environnement. Une agriculture durable et potentiellement plus productive inspirée du fonctionnement de la nature; plus précisément de la forêt de feuillus. Ce type d’agriculture permet d’arrêter l’érosion et la pollution de l’eau de façon très efficace. En quelques années, les rivières brunes de terre et de sédiments pourraient redevenir claires grâce à une telle pratique. La problématique de l’agriculture courante et industrielle est vaste et la plupart des problèmes ne datent pas de la dernière pluie mais on peut observer que certains commencèrent avec l’invention du labour. L’enfouissement des matières organiques dans le sol à l’aide de la charrue par exemple, fait que certains vers qui s’en nourrissent et qui voyagent de haut en bas dans le sol ne remontent plus à la surface pour venir relâcher leurs excréments au-dessus des racines. Ainsi que  ceux qui ont besoin d’air pour vivre, n’ont plus rien à manger et meurent de faim et ne peuvent plus jouer leur rôle. Un autre effet sur la vie du sol est que les réseaux de mycorhizes sont détruits par le travail du sol. De plus, la semelle de labour qui se crée réduit la perméabilité du sol et rend le sol extrêmement fragile et sensible à la compaction et à l’érosion. Les racines n’arrivent plus à plonger et à assurer leur survie en cas de sécheresse.  L’érosion est un phénomène assez grave de désertification. Dans certaines régions agricoles du monde, on a atteint plusieurs centaines de tonnes de terre à l’hectare par an qui partent au vent et dans les cours d’eau. Voici à mon avis une préoccupation de premier ordre pour apporter des solutions aux problèmes de la pollution d’origine agricole. L’érosion qui est causée aux sols laissés à nu n’est rien d’autre que l’inverse du processus de naissance des sols. Au lieu d’avoir une fusion entre les argiles et les humus, on a une séparation de ces éléments et une dégradation des sols. Certains éléments, comme le calcium et le magnésium, vont quitter le profil de sol. Autre élément de la problématique, ce sont les doses de “confort psychologique” que les agriculteurs mettent à chaque année. (Au Québec en général, même si les sols sont saturés en phosphore, on met souvent la dose dont la plante a besoin parce qu’il n’est pas nécessairement disponible, car non recyclé par les micro-organismes.) On observe alors que les sols s’acidifient de façon parfois alarmante. Il faut alors appliquer des produits neutralisants d’origine naturelles ou industrielles. Cependant, on peut quand même noter des prises de conscience et des améliorations importantes sur ce sujet depuis quelques années mais il reste beaucoup de chemin à faire. Depuis une quarantaine d’années, on observe un problème de plus qui s’est rajouté au phénomène; l’emploi massif des pesticides qui détruisent une partie de la microflore. Or, cette microflore est le principal agent de formation et du maintien du complexe argilo-humique. Le complexe argilo-humique est le processus de naissance et de formation d’un sol vivant par la fusion des argiles et des humus de la matière organique. C’est l’idéal recherché en agronomie et en agrologie. Il y a là encore des choses qui s’améliorent tranquillement par la réduction et l’élimination de l’utilisation de certains produits. Le processus de désertification des sols que l’agriculteur provoque par ses actions est déjà responsable de la désertification de dix millions de kilomètres carrés, soit 20% des déserts naturels. C’est un cercle vicieux dramatique auquel il faut s’impliquer pour y remédier de toute urgence. L’érosion humaine est aussi une des clés de la solution car à l’heure actuelle, il y a trop peu de relève consciente complètement prête (dans tous les sens du terme) à œuvrer en grande culture. Assez parlé des problèmes et abordons les solutions qui rendent  enfin l’agriculture passionnante. Le modèle de la forêt est en équilibre écologique et protège l’environnement. La matière organique, les feuilles, sont au-dessus des racines, elles se décomposent et tout ce qui pourrait être lessivé est récupéré par les racines. De l’autre côté, nous avons la microflore qui vient s’en nourrir et former le complexe argilo-humique. La fertilité est constante et ces sols peuvent recevoir de fortes précipitations sans se faire éroder car ils sont maintenus par les racines. Tout d’abord, première observation logique de la nature à comprendre; la nature ne laisse jamais un sol à nu. Le sol n’a pas besoin de l’être pour faire germer une semence ou pour évacuer les surplus d’eau. Elle le recouvre systématiquement de plantes pour le protéger et abriter et  nourrir la microflore. Les racines apportent une vitalité, une vie tout à fait incroyable. Celles-ci permettent aussi une excellente perméabilité de l’eau dans le sol. Puisqu’il est impératif que le sol soit recouvert de végétation et/ou de résidus, aussi bien qu’il le soit de manière à récolter ce qu’on veut. Autre élément à noter, ce n’est pas toutes les plantes qui se nuisent et se compétitionnent entre elles. La plupart ont des plantes compagnes avec lesquelles elles peuvent pousser en s’entraidant. Pour M. Bourguignon, l’avenir de l’agriculture se trouve beaucoup plus dans l’utilisation de la bio-diversité des espèces en agriculture que dans les organismes génétiquement modifiés. On cultive environ 250 espèces de plantes en grandes cultures alors qu’il en existe 250 000. Un millième des possibilités. C’est comme ça qu’il en arrive à proposer du semis direct sous couvert végétal vivant. Une des options qu’il a développées avec des agriculteurs, c’est un semis direct de maïs dans un champ de chiendent avec des rendements exceptionnels. Le seul hic pour les puristes comme moi, c’est qu’il utilise encore des produits chimiques; mais non plus pour tuer les plantes, mais pour les calmer avec 10% de la dose habituelle. Quoi qu’on en dise, on peut quand même reconnaître un progrès qui nous amène à voir de belles opportunités de développement qui nous mèneront à une gestion très intelligente des plantes et du sol. Autrement dit, dans certaines situations de compagnonnage, on peut en arriver à travailler sans intrant chimique. À l’heure actuelle, la technique la plus utilisée par les agriculteurs qui veulent faire du biologique et du semis direct est le billon. C’est une méthode de culture en butte qui permet un certain contrôle mécanique des mauvaises herbes. Voici la présentation de ce qui se passe avec cette technique agricole tout à fait prospère et pérenne que l’on appelle le semis direct. Cette technique se pratique depuis plus de vingt ans aux États-Unis et elle représente aujourd’hui 21% des superficies cultivables. Au Québec, certains agriculteurs pratiquent le semis direct depuis 10-15 ans, voire plus et cette technique couvre seulement près de 5% des superficies cultivables. Au Paraguay, c’est 75% des superficies qui sont cultivées en semis direct. Les principaux avantages sont : La vie secrète du sol qui se manifeste de façon grandiose et incroyable; Une économie de 70% du carburant et du temps nécessaire pour des rendements similaires au conventionnel. Il y a donc de meilleures marges brutes; Réduction de l’érosion de 50 à 90%; Réduction de la pollution d’origine agricole de façon très notable et importante. Cette technique consiste à ne plus travailler mécaniquement le sol  pour le semis et ainsi préserver la microflore du sol. Il est cependant très déplorable qu’un herbicide,  ainsi que les variétés OGM de résistance à cet herbicide soient largement utilisés dans cette technique. Il est possible et souhaitable de fonctionner sans ses produits. Ce qui est extraordinaire à observer aussi, c’est la vie du sol qui se refait en quelques années grâce à l’activité biologique qui cesse d’être détruite ou du moins, dérangée par le travail du sol. La matière organique, qui est la nourriture de la microflore, est à la bonne place pour se décomposer et se minéraliser. Celle-ci joue aussi un rôle important pour la structure, la stabilité, la porosité et la cimentation  du sol par la création du complexe argilo-humique. À la longue, une structure (un peu comme on peut observer dans un sol forestier) se crée et on y observe alors une activité biologique beaucoup plus forte et une meilleure assimilation des éléments par les plantes. De plus, la matière organique qui se décompose en milieu aéré est de meilleure qualité. Tout ceci m’amène à conclure qu’il y a plusieurs façons de faire de l’agriculture en respectant et protégeant l’environnement. Les agriculteurs qui vivent de ce métier, qui soit dit en passant, est une des plus grandes vocations sur cette terre avec les thérapeutes et les enseignant(e)s, ne comptent plus que pour 1% de la population active. Il y a donc une pression énorme sur eux qui doivent produire pour nourrir le reste de la population. Comme si ce n’était pas assez, il y a un manque de relève. Je vous invite donc à adopter une attitude solidaire par rapport à ce bien noble métier qui vous nourrit.

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