Chronique des métiers d’antan : Le chien de traineau 

par Frère Ours Aventure dans la froidure Avant l’existence du moteur à essence, qui aujourd’hui crache ses polluants dans l’atmosphère sur la grandeur de la Terre, l’humanité a développé plusieurs moyens de transport adaptés à son mode de vie et à son environnement. Bien qu’il ne pouvait franchir d’aussi grandes distances que nous avec nos avions à réaction et nos sous-marins atomiques, le genre humain vivait tout de même en harmonie (relative) avec son environnement. Le cheval, la roue, les petits bateaux et les grands vaisseaux, tous ont contribué au développement de nos civilisations et permirent à nos ancêtres d’élargir nos horizons. Laissez-moi vous parler d’un mode de transport peu connu, une façon fabuleuse de filer à toute vitesse dans le vent froid des hivers québécois : le chien de traîneau. Origine Nul ne sait exactement quand les humains(es) ont attelé pour la première fois les chiens afin de se déplacer. Ce fut, par contre, probablement en Asie, en Laponie, en Mongolie, etc... qu’ils ont apprivoisé le genre Lupus (le loup), qui devint avec le temps le genre Canin (le chien). C’est une relation d’entraide mutuelle en temps de famine qui aurait créé le rapprochement entre les deux espèces. Plusieurs légendes amérindiennes racontent les premiers moments où le destin des chiens fut lié à celui des humains(es). Comme le chien de traîneau se pratique seulement sur la neige ou la glace, ce sont les Inuits qui ont perfectionné la technique et pendant des milliers d’années, ils ont scruté la banquise avec leurs chiens-loups. Même que ces amérindiens du Nord ont jumelé transport et chasse. Leurs attelages pouvaient traquer l’ours polaire et une fois détachés, les chiens le terrassaient en attendant que le chasseur porte le coup fatal. Les hommes blancs ont tôt fait de réaliser l’avantage de ce moyen de transport lors de la saison blanche, et l’ont utilisé pour plusieurs tâches et métiers : les coureurs des bois, les chasseurs-pêcheurs, les postiers, les médecins, etc... En Alaska, au Yukon, lors de la ruée vers l’or, on vit une popularité montante du transport canin, tout comme le décrit si bien Jack London dans ses romans. Il existe d’ailleurs encore aujourd’hui une célèbre course de chiens de traîneau en Alaska, d’environ 1000 kilomètres où s’affrontent les champions du monde (les chiens et les humains). En quoi consiste le chien de traîneau Pour faire du chien de traîneau, ça prend des chiens et un traîneau, mais aussi plusieurs autres petits éléments que je vais vous énumérer bientôt. Mais d’abord, parlons des chiens, ces animaux fidèles qui permettent la pratique de ce sport d’hiver à la fois pratique et ludique. Entre chien et loup Plusieurs espèces de chiens peuvent tirer de lourdes charges si on les entraîne : les Bergers allemands, les Labradors, etc... Mais chez certaines familles, c’est dans leur sang. Ces quelques phénomènes n’ont souvent qu’une chose en tête, tirer et courir (si on oublie les fonctions biologiques primaires). Ces races de coursiers des neiges sont le Husky Sibérien, le Malamut, le Alaskien, le Makita et le Chow-chow. Un bon chien peut transporter une charge équivalent à son poids et cela, pendant environ 70 km par jour, à raison de 10 km/heure en moyenne. La vie de chien de traîneau est très différente de celle des chiens domestiques. D’abord, ils sont attachés constamment avec une bonne chaîne. Imaginez une douzaine de chiens en liberté, quels dégâts ça pourrait causer. Un chien domestique en liberté en ville est sûrement plus heureux vous me direz. D’autres penseront peut-être que c’est cruel de se servir d’animaux pour le travail ou les loisirs et que ça se rapproche de l’esclavage. Mais je ne suis pas certain que le caniche rose de ma voisine, qui jappe à tout bout de champ et qui reste toujours seul, enfermé dans un petit 2 et demi étouffé par la boucane de cigarette et de smog, est plus heureux que mes chiens qui vivaient dans le bois. Les chiens de traîneau, bien qu’attachés dans leur petit territoire, vivent en meute. Comme ils aiment vivre en groupe et déterminer leur hiérarchie (domination et soumission), leur captivité en meute est probablement plus naturelle que la liberté dénaturée des chiens de ville. (Affirmation qui pourrait bien être valable pour les humains). De plus, ils ressentent une réelle satisfaction à travailler avec leurs maîtres humains et de leur être utiles. Chacun sa place Bien que le Husky ou le Malamut sont des chiens de traîneau instinctifs, chaque chien doit subir un entraînement pour bien répondre aux exigences du métier. Habituellement, on intègre les jeunes chiots vers l’âge de 8 mois dans une équipe de vieux. Ils apprennent plus vite les commandements et les bons comportements. Les commandements sont assez semblables un peu partout : Wouooow! pour arrêter, aweille en avant! pour partir, Djee! Pour tourner à droite et Hâ! Pour tourner à gauche. Chacun(e) peut trouver ses propres commandements. Dans une équipe de chiens, il y a quelques rôles distinctifs. Le chien de tête est le rôle le plus important. Rapide et intelligent, il doit comprendre avec précision les commandements du conducteur. La sécurité de tout l’équipage en dépend. Les chiens de barre sont les chiens qui sont plus près du traîneau, à la fin de la file. Ils doivent être gros et forts pour assurer un bon contrôle. Marcheur sur neige Le conducteur du traîneau s’appelle un “Musher”, vieux terme dérivé du français, marcheur. Probablement que les canadiens français ont été les premiers blancs en Amérique à utiliser ce transport. On marche beaucoup quand on fait du chien de traîneau. À première vue, on pourrait penser que c’est facile de se laisser traîner par des chiens sur la neige. Mais détrompez-vous! Croyez-en mon expérience, être musher c’est pas si facile. Souvent, nous devons débarquer du traîneau pour gravir les pentes et je ne vous parlerai pas quand la neige est folle et pas tapée. Dans les descentes vertigineuses, nous devons être vifs et alertes pour ne pas percuter un sapin. De plus, retenir 8 chiens adultes qui n’ont envie que de courir demande une bonne force, de la testostérone et une volonté (le chi) de fer. Le musher doit toujours montrer qu’il est le maître, le chef de la meute.  Car souvent, les chiens (surtout les mâles dominants) tentent de faire à leur tête; un peu comme des enfants, ils testent l’autorité du maître. Mais avec un peu de patience, c’est pas si bête! L’équipement Le traîneau est le plus important à se procurer. Il y a différentes grandeurs et qualités de traîneaux. Il faudrait consulter un connaisseur avant de s’en procurer un. Pour un bon traîneau de base, on peut s’attendre à payer entre 300$ et 400$. Il est aussi possible de se le construire soi-même. Il faut ensuite une ancre pour immobiliser le traîneau dans les arrêts (croyez-moi, quand le traîneau part pis que t’es pas dessus, c’est pas drôle!). Un frein à pied, pour ralentir et arrêter le traîneau en marche. La plupart des traîneaux qu’on achète sont fournis avec l’ancre et le frein. Chaque chien doit avoir son attelage sur mesure (si possible). Plusieurs modèles existent et avec de la bonne courroie il est facile de les confectionner nous-mêmes à la machine à coudre. Pour chaque attelage ça prend un “swivel”, un bidule métallique qui permet d’attacher l’attelage tout en permettant une liberté de mouvement au chien. Et finalement, les câbles d’attelage qui font le lien entre les chiens et le traîneau. Encore une fois, il y a plusieurs possibilités tout dépendant de la technique utilisée et du nombre de chiens par équipage. La technique de base est en tandem (fig.1). Une corde simple avec des petites sections par chien. Pour la banquise, ces grands espaces de glace, sans routes ni dénivellations à perte de vue, les Inuits utilisaient la formation en éventail (fig.2). Chaque chien a une corde individuelle. C’est large mais efficace. Plus simplement, il est possible de former une ligne simple. Bon, vous êtes maintenant prêt pour votre première promenade en chien de traîneau. Prêt à vivre une aventure d’une grande richesse. Ce sport d’hiver qui est bien plus qu’un sport, se répand rapidement un peu partout au Québec. Plusieurs entreprises d’éco-tourisme offrent des forfaits en chien de traîneau. J’ai moi-même été “musher” 4 années d’affilée, où j’ai pu approfondir ce merveilleux moyen de locomotion. En plus de m’avoir fait perdre quelques kilos, mes chiens sont devenus ma famille, ils m’ont aidé à plusieurs niveaux. Je transportais mon bois de chauffage, j’allais même faire mon épicerie au village en chiens. Il fallait voir la tête des gens qui me voyaient stationner mon traîneau. Le plus cocasse je crois, c’est quand j’ai déménagé un divan avec mes chiens. Ma maison n’ayant aucun chemin y menant, je transportais tout en chiens. Je revois encore ce grand meuble tenir en équilibre pendant que je conduisais le traîneau. Je pourrais en dire long... Je rajouterai, au risque de me répeter, que de glisser sur la neige un soir de pleine lune, dans le silence de la nuit, est une sensation époustouflante de bien-être. Retourner près du poêle à bois après 5 heures de promenade, les glaçons dans la barbe et la moustache, c’est pas pire non plus. À l’aventure! Faire du chien de traîneau demande un certain investissement et surtout une disponibilité assidue pour les soins aux animaux. Les chiens doivent boire et manger tous les jours. Avec mes 15 chiens, j’avais de quoi m’occuper, mais c’est un moyen de locomotion écologique qui en plus, est un sport extrême qui vous garde en forme. Mais à mon avis la plus grande richesse que nous apporte ce merveilleux transport nordique, c’est le contact intime avec la nature. Glisser sur des cristaux d’H2O dans une cédrière, croisant les pistes fraîches de lièvres et de chevreuils, c’est zen en sapin !

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