Commerce équitable: Interdépendance

par Christine Arès Demers

Déclaration de 1993 adoptée par 171 États lors de la Conférence mondiale sur les droits de l’Homme: « La démocratie, le développement et le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales sont interdépendants et se renforcent mutuellement. »

L’individu ayant une personnalité spécifique et déterminée par son milieu de vie agit en société selon ses passions intérieures régularisées ou non par sa raison et sa conception de la liberté. Mais comment peut-on réellement définir son identité culturelle et son rôle social en tant qu’être humain?

Hypothèse: Traverser une distance géographique et culturelle significative; vivre une réalité qui confronte notre réalité quotidienne, puis revenir à son point d’origine, pourraient entraîner une réalisation flagrante de la liberté d’action, du pouvoir de consommation et de la commodité de survie du Nord-Américain moyen.

Exemple: Je suis partie en stage de coopération internationale en Guinée afin de réaliser un projet d’économie solidaire pour la transformation et la commercialisation du beurre de karité avec l’organisme canadien Développement et paix dans le cadre du programme Québec Sans Frontières.

Qu’est-ce que la Guinée? La Guinée est un pays francophone de l’Afrique de l’Ouest, au bord de l’Océan Atlantique. Sa population est de plus de huit millions d’habitants et sa capitale est Conakry. Plusieurs ethnies, ayant chacune leur propre langue, cohabitent sur le territoire guinéen. La grande majorité de la population est musulmane, mais on y retrouve également des chrétiens et des animistes. La situation économique est pour le moins critique et la monnaie nationale (le franc guinéen) connaît des fluctuations telles que les pièces disparaissent peu à peu car elles ne valent plus rien. Pourtant, les ressources agricoles sont quasi illimitées et la Guinée est également très riche en minéraux (bauxite, fer, diamant, or). Le problème, c’est que ces produits sont exploités par des multinationales étrangères.

Qu’est-ce que le beurre de karité? Le karité est un arbre dit sacré qui pousse uniquement dans quelques pays africains. Cet arbre produit un fruit qui contient une noix, qui elle contient une amande. Un long processus de production qui implique plusieurs étapes dont la cuisson des noix, le décorticage, le pillage des amandes, le malaxage à la main de la poudre, le séchage au soleil, la séparation de l’huile, le filtrage, la formation du beurre et le conditionnement, permet d’obtenir un produit miraculeux qu’on nomme le beurre de karité. Ce produit typiquement africain peut servir d’huile de qualité pour l’alimentation, notamment dans la préparation du riz, mais il détient aussi des propriétés bénéfiques pour le corps humain. Le beurre de karité est un hydratant pour la peau et les cheveux, une protection pour la peau contre le soleil, un facilitateur de régénération des tissus. De plus, le beurre de karité est très efficace dans le processus de guérison des douleurs musculaires et dans le cas de fracture des os. Révélation ultime: le beurre de karité est le seul antirides approuvé dans le monde entier.

Le karité se conjugue au féminin, c’est-à-dire que la ressource est collectée et transformée par les femmes. Le processus de production est incroyablement exigeant pour la condition physique et demande beaucoup de temps. Certaines difficultés s’avèrent aussi très déterminantes dans les conditions de travail des productrices: l’approvisionnement en eau parfois déficient, l’éloignement de la ressource (en montagne) et le manque de matériel pour la fabrication du beurre de karité. Cette activité rurale apporte une contribution essentielle à la vie sociale et économique de la communauté, cependant les femmes doivent également pratiquer d’autres activités économiques pour subvenir à leurs besoins essentiels. C’est pourquoi nous avons travaillé à renforcer les capacités et le pouvoir des femmes dans ce secteur prioritaire du développement.

Comment mettre en œuvre l’économie solidaire sur le terrain? Pour entreprendre la mise en pratique d’une économie sociale, on peut d’abord se fier à l’acronyme M.O.F.I.E, qui signifie "mobilisation, organisation, information et insertion économique et sociale". L’économie solidaire se compose des activités économiques éthiques qui se basent sur les principes suivants: la primauté de l’Homme sur le capital, un but non lucratif, des intérêts pour la collectivité, une utilité sociale, un processus de décision démocratique et une autonomie de gestion.

Les productrices de beurre de karité doivent se mobiliser entre elles afin de créer des groupements de femmes qui pourront s’inscrire à plus long terme, qui sait, au sein d’un réseau guinéen. Les femmes guinéennes procèdent traditionnellement avec des valeurs de solidarité et d’entraide pour subvenir à leurs besoins. Afin de se créer un certain pouvoir économique, les associations de femmes et de productrices ont avantage à développer des moyens d’économie sociale comme les tontines, les caisses de crédit et d’épargne et le micro-crédit dans leur milieu afin d’améliorer leurs conditions de vie de façon autonome et autosuffisante.

Pourquoi la commercialisation est-elle importante pour le développement? « L’élimination de la grande pauvreté dans le monde passe par un développement économique soutenu et équitable. Un pays ne se développe pas en circuit fermé, mais en faisant des échanges avec d’autres pays. D’où l’importance du commerce international pour réduire la pauvreté. »1

« En favorisant un système d’échanges justes et solidaires, le commerce équitable (alternative au commerce conventionnel) développe des partenariats fondés sur le respect des cultures et des valeurs des communautés du Sud. L’investissement dans le capital humain et dans la sauvegarde de l’environnement est un enjeu majeur du développement durable. »2

Au Nord, acheter équitable, c’est poser un geste concret dans la vie des petits producteurs du Sud et de leur communauté en favorisant une relation commerciale directe (sans intermédiaire) et démocratique, l’accès à l’éducation et aux soins de santé et l’équité des sexes. L’agriculture durable, qui est une pratique du commerce équitable, est primordiale pour notre santé, celle des producteurs-trices et de l’environnement. La consommation de produits équitables est aussi un acte pour une mondialisation plus juste et une prise de conscience du pouvoir de nos choix de consommation.

Conclusion sans fin: Vivre autrement qu’à l’habitude renforce la souplesse dans ses façons de penser, de voir les choses et de les analyser. Ma compréhension d’une nouvelle réalité culturelle et de ma propre réalité me semble plus approfondie en ayant plongé dans une philosophie divergente au quotidien, une force de vivre et une force d’agir socialement qui luttent contre les inégalités sociales même en mode de survie.

Je me sens maintenant représentante de ces femmes guinéennes et j’espère bien vous avoir transmis leur espoir de connaître un changement dans leurs conditions de vie.

Nous sommes interdépendants, agissons en conséquence!

Références: 

1  HAZEL Robert, Centre canadien d’études et de coopération internationale (CECI), Montréal, 17 octobre 2003 www.ceci.ca

Référence sur le commerce équitable: www.equiterre.qc.ca

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