Dossier Écocité: Écopolis, ou la revalorisation urbaine

par Frère Ours

« Vivre simplement pour que simplement les autres puissent vivre! » Gandhi

De l’arbre à la plaine, de la famille au clan, du village à la ville! Les villes ont certainement servi à la floraison de la société humaine, comme on la connaît aujourd’hui, en rassemblant autant d’individus dans un territoire rapproché. Les grandes cités de l’Antiquité (Athènes, Rome, Constantinople…) qui semblent encore pour certains un symbole romantique de civilisation, ont permis de grands progrès dans les domaines de l’éducation, de la science, ainsi que pour les systèmes d’aqueduc, routier, etc. Vers le 18e siècle, cependant, l’arrivée de populations urbaines dépassant les 20 000 individus apporta des difficultés d’approvisionnement, causant une expansion constante de l’exploitation de la nature, mais c’est surtout avec l’ère industrielle de la fin du XIXe siècle, début XXe, que les villes ont pris une ampleur gargantuesque et terrifiante. Nous connûmes un exode massif de la campagne vers les cités, qui créa un vide dans nos campagnes en les sacrifiant aux mégaindustries, leur laissant le soin de s’occuper de l’agriculture. L’utilisation du charbon puis celle du pétrole ont aggravé le fléau du réchauffement planétaire que l’on connaît tous aujourd’hui et les usines se multiplièrent. L’expansion américaine d’après-guerre avec son industrie basée sur l’abondance de pétrole inventa la banlieue, en créant un demi-million de nouvelles maisons pour loger les guerriers victorieux. Les villes, comme des êtres gourmands et égoïstes, se sont mises à grandir démesurément en recrachant leurs excréments dans l’eau, l’air et sous terre. À mon avis, l’avènement des villes fut le commencement d’un cauchemar pour la planète. Imaginez seulement le nombre d’arbres que ça prend pour imprimer toutes les feuilles de choux du monde (Journal de Montréal, New York Times, etc.). Mais comme nous ne pouvons refaire le passé, et que toute chose à une raison d’être sur le plan divin, il faut s’adapter. On ne peut faire disparaître les villes en entier, et comme plusieurs le mentionnent, la nature ne pourrait pas accueillir toute la population urbaine, ce serait un désastre écologique. Alors que faire de cet amas de matière non biodégradable, de ces cancers urbains, ces vampires énergétiques??? Depuis déjà un petit bout de temps, nous faisons le tour de la question. Ce fut l’œuvre de James Redfield, « La prophétie des Andes », qui me mit d’abord la puce à l’oreille. Dans le dernier chapitre, la 9e prophétie, on nous parle justement de ces nouvelles cités Nouvel Âge adaptées pour notre mieux-être, où les édifices très modernes, pourvus de systèmes énergétiques d’avant-garde, sont entourés de gros arbres centenaires. La technologie si avancée permet une abondance, et d’avoir plus de temps libre pour nous épanouir dans le bien-être d’une vie familiale bien remplie. Vision positive du futur, est-ce vraiment possible? Voyons ensemble comment nous pouvons améliorer notre sort de citadins avec énormément de volonté et de conscience! Espace urbain Pour réaliser l’utopie, il est indispensable de se rendre compte qu’il y a trop de personnes en ville, entassées les unes sur les autres. Saviez-vous que, en moyenne, 50 % de la population mondiale vit en ville (environ 3 milliards). Les chiffres grimpent en France, avec 75 %. Cette surpopulation en elle-même est la cause de plusieurs maladies urbaines. Aujourd’hui, l’étalement urbain étend son périmètre dévastateur avec ses banlieues à perte de vue. Pour prendre le virage salutaire, il serait impératif de renverser la vapeur et d’encourager un retour rural. Comme je l’ai mentionné, il suffit qu’une seule partie de la population retourne aux sources pour éviter le saccage de la nature et de nos campagnes. Supposons seulement qu’un tiers de la population des villes s’installe en milieu rural et peuple nos écovillages! En diminuant la population citadine, nous gagnons de la superficie qui ne sert plus. Pourquoi ne pas aérer un peu nos quartiers? Détruire en récupérant la matière, et créer de nouveaux espaces verts. De jolis parcs, des jardins, des espaces de jeux pour les enfants, etc. On pourra également en profiter pour restructurer les quartiers pour qu'ils soient des espaces plus organiques, en donnant aux constructions des formes plus rondes, ovales, elliptiques, pour faire changement. Quant à y être, on pourrait également ajouter des éléments architecturaux et artistiques aux bâtiments déjà existants, de la couleur (des fresques, des murales, sculptures, etc.), question d’embellir le gris du béton. Agriculture urbaine Il serait judicieux également de créer de vastes espaces réservés à l’agriculture. Eh oui! Cultiver en ville nos fruits et légumes. Cela diminuerait significativement le transport, et du même coup la production de gaz à effet de serre. Des denrées fraîches et moins coûteuses à la portée de chaque foyer. Des systèmes de serres chauffées à même la ville pourraient nous ravitailler en denrées exotiques (bananes, mangues, noix, café) en évitant d’exploiter les enfants du 2/3 monde! À Cuba, dans la ville de La Havane on a déjà commencé avec succès l’agriculture urbaine. On y cultive 128 000 tonnes d’aliments en pleine ville. Les tomates de La Havane coûtent 80 % moins cher que les tomates produites à la campagne. Aussi, 64 % des foyers au Kenya et 68 % en Tanzanie cultivent leur propre potager. Pour un peuple pauvre, c’est indispensable… Avec la culture de plantes médicinales, beaucoup de petits bobos n’auraient plus besoin des médicaments chimiques des industries (mafia) pharmaceutiques. Plusieurs mamas d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud font pousser tout leur cabinet de médecine. L’agriculture urbaine est économique, écologique et socialement plus juste. Les toits verts Les toits végétaux (voir Aube no 8) purifient l’air des villes en le débarrassant du CO2 et normalisent les températures, isolant en hiver et rafraîchissant en été, et ils filtrent l’eau de pluie qu’on peut utiliser pour la lessive ou pour nos salles de bains. Alliés à l’agriculture, ils rendent possible de cueillir notre salade sur nos toits! Au Japon, c’est déjà la règle. Chaque gros édifice doit avoir une couverture verte avec au moins un arbre. En Allemagne, en une seule année ont aurait végétalisé plus de 8 millions de mètres carrés de toits urbains, et ce grâce à une politique d’avantages fiscaux. Au Québec, nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Ramener la nature en ville! Réintroduire certains éléments naturels dans nos cités sera également une bénédiction pour notre qualité de vie. Nous avons bien quelques parcs, mais si on ressuscitait quelques rivières qui coulaient jadis librement, quelques cascades pour nous chanter leurs chansons et quelques terrains en friche pour qu’ils reprennent naturellement leur place dans la jungle urbaine... L’ère de l’autonombriliste Après la surpopulation, l’automobile est l’autre grand fléau au palmarès. En plus d’encourager le marché du pétrole qui est responsable de plusieurs guerres despotiques et de contribuer fortement au réchauffement de la planète (le transport est responsable de 40 % des émissions de gaz à effet de serre), l’auto prend énormément de place. On lui donne souvent plus d’importance que les enfants et leurs terrains de jeu. Mine de rien, les automobiles occupent à peu près 30 % des espaces urbains d’Europe, et 50 % dans certaines mégavilles des États-Unis, sans compter l’espace occupé par toutes les rues, par les routes, les garages et stationnements privés. Maintenant, nous avons des outils à notre disposition : le covoiturage, le bio-diésel, les voitures électriques, le vélo (à Amsterdam, 25 % des déplacements se font à vélo), la marche à pied, le métro… Mais à long terme, pour une ville plus saine, nous devons interdire l’accès aux véhicules à pétrole dans une majorité de nos quartiers. Établir une ceinture verte, un périmètre exempt de bruit et de pollution. Pourquoi ne pas laisser les automobiles dans un mégastationnement de banlieue, pour emprunter les transports en commun aux énergies vertes et renouvelables!? Afin d’aider à solutionner ce problème et rendre les villes plus écologiques, nous pouvons densifier la ville, c’est-à-dire concentrer la densité des habitations, des commerces et services pour minimiser les besoins de déplacement. Avec des villes plus denses, nous diminuons beaucoup notre dépendance au transport motorisé. La densité n’est pas nécessairement désagréable, tout dépend de la façon de l’appliquer. Par exemple, concevoir des espaces plus communautaires (partage de la cour arrière, salle de jeux commune pour les enfants...), ériger des passerelles et autres espaces entre les toits végétaux (trottoirs piétonniers, terrasses, belvédères, ponts aériens, etc.). Ou mieux, concevoir des villes polycentriques (avec plusieurs centres), démanteler les centres commerciaux afin de redistribuer les activités sociales et économiques équitablement dans chaque quartier. Nous retrouvons alors près de chez nous tous les indispensables : boutiques et services, boulangeries, épiceries, etc., ce qui encouragera l’économie locale et rendra les voitures inutiles. Énergies vertes On ne peut échapper aux répercussions atmosphériques que causent les différentes technologies énergétiques d’une ville. L’énergie est le moteur de la ville, comme le sang dans nos veines. Heureusement, nous avons maintenant les moyens d’améliorer visiblement notre sort avec les nouvelles technologies écologiques qui s’offrent à nous. Le bio-diésel peut devenir le carburant clef de nos sociétés modernes. Au Brésil et dans plusieurs autre pays, on roule depuis longtemps avec de l’éthanol, produit à partir du maïs. Si on diversifie nos sources d’énergie en adoptant aussi les énergies solaire, éolienne, géothermale, la supraconductivité, etc., il est possible de diminuer considérablement l’impact dévastateur des villes. Écosociété Sur le plan humain, beaucoup de travail doit aussi être fait. Pour améliorer notre qualité de vie dans une écocité, plusieurs défis se présentent. Il faut prendre des mesures collectives afin de retrouver un meilleur équilibre. Chaque individu doit se conscientiser et se responsabiliser face à sa consommation, puis appliquer strictement les règles de base de l’écologie urbaine, c’est à dire les 3R (réutilisation, récupération et revalorisation). Pour notre bien-être, nous devons également encourager au maximum la consommation de produits biologiques, équitables et locaux, qui réduisent de beaucoup notre empreinte écologique. Comme le stress est le facteur principal des maladies cardiovasculaires et de bien d’autres encore, un village écologique sera une ville en plus lent et plus doux, aux mécaniques plus légères. Tout bon écocitoyen devra pratiquer la simplicité volontaire et redéfinir constamment ses réels besoins pour contribuer à une vie respectueuse et en harmonie avec son environnement. Une société en santé reconnaît la valeur des personnes âgées et des jeunes et sait les valoriser en les intégrant dans la vie socioéconomique, bref a la capacité de constituer la communauté humaine. Une communauté écologique est une ville en plus convivial. La décroissance soutenable (vs développement ordurable) Pour parvenir à transformer les villes en écocités, il ne faut pas y aller par 4 chemins, c’est une course contre la montre. La décroissance soutenable est l’une des principales démarches que la société occidentale doit entreprendre rapidement. Cela implique que nous devons diminuer notre « vouloir » d’achat (moins de consommation égale moins de pollution), que nous diminuons nos heures de travail rémunérées afin de réduire le rendement des industries et permettre une redistribution équitable du travail. D’ailleurs, si nous n’avons plus d’automobiles à faire vivre, travailler moins sera acceptable et cela nous laissera plus de temps pour nous occuper de notre bien-être, fabriquer nos propres vêtements, jouets, meubles, etc. Ça veut dire aussi désindustrialiser les villes, diminuer la taille des industries pour qu'elles soient à l’échelle humaine, bref décroître l’ensemble des activités socioéconomiques urbaines. Cette prise de conscience ne sera pas facile pour tout le monde, mais elle est cruciale pour notre survie. Il faut cesser l’esclavage économique et redonner la priorité au facteur humain! Vers des villes vertes… La transition entre nos villes cancers de planète et les écocités où il fait bon vivre est encore possible. Nous en avons tous la responsabilité. Le changement doit d’abord se faire en nous. Il faut commencer dès maintenant à éduquer nos enfants, à transmettre le savoir. La formule est la même pour tout changement. Parlez-en autour de vous, dans votre famille, à vos ami(e)s, écrivez aux gouvernements municipal, provincial et fédéral. Manifestez dans la rue! Nous étions environ 40 000 personnes à Montréal, lors de la Marche mondiale pour le climat, à crier notre volonté d’un monde plus en santé. Le message était clair! Nous pouvons encore rejoindre la masse critique, le nombre d’individus qui fera tourner la vapeur et renversera la roue de la destruction. Outre la décroissance soutenable, une autre super arme est disponible à notre portée : le grand boycott, tel que présenté dans le film « La belle verte », c’est-à-dire boycotter toutes les grandes corporations et multinationales jusqu’à ce qu’elles meurent de faim. Acheter, c’est voter! Ne pas acheter, c’est créer! En tant qu’habitant du futur écovillage des bâtisseurs de l’Aube, je vois clairement l’importance d’un équilibre entre les écocités et les écovillages : un dépeuplement urbain au profit d’un plus grand nombre de communautés rurales écologiques et d’une restructuration des villes en villes vertes. Un grand réseau humain pourra naître, en apportant abondance, joie de vivre et bien-être. Un monde où les enfants pourront laisser leurs jeux vidéo et retourner jouer dans les rues dénudées d’autonombrils! Voyez-vous comme c’est beau?…

« Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde! » Gandhi

Références:  Écocités : article du numéro 307 de la revue française Silence. « La prophétie des Andes », James Redfield, aux Éditions Robert Laffont, 1994. « The End of Suburbia » : film écrit et dirigé par Gregory Greene, 2004. « La belle verte »: film de Coline Serreau : 1996.

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