Findhorn a changé ma vie!

par Carole Ricard C’est en lisant un article paru dans la revue Luminance en 1992 sur les 30 ans de la communauté de Findhorn que j’ai eu le coup de cœur pour cette communauté spirituelle. L’impression de déjà vu et de déjà connu dans l’âme, vous connaissez? Il était évident que j’irais là-bas un jour. La vie étant ce qu’elle est, ce n’est qu’après un burn-out, une faillite et un divorce, 2 ans plus tard que je me suis retrouvée en Écosse pour une semaine d’expérience à Findhorn suivie d’un atelier sur le but de la vie. Ma vie en fut bouleversée! D’abord, un voyage seule dans un pays anglophone alors que je ne parlais pas souvent anglais, c’était tout un exploit. De plus, il a fallu que je parte rapidement et sans beaucoup de préparation pour  vivre mes ateliers en français (et oui, c’est possible). À mon arrivée, le choc fut total. En plus du dépaysement, de la difficulté linguistique et de la fatigue, j’y ai rencontré une Nature au naturel: un aménagement qui met en évidence la simplicité, qui utilise au maximum l’espace pour chaque activité humaine tout en la dissimulant sous des feuillages, des fleurs et des arbustes qui semblent avoir été placés naturellement là où ils convenaient le mieux. Ce n’est que bien plus tard que j’ai appris les principes de permaculture et que j’ai su qu’on avait d’abord laissé tous les végétaux possibles afin de déterminer l’emplacement des activités humaines en fonction de ceux-ci et non l’inverse. Partir de Montréal et arriver en Angleterre en automne me permis de prolonger un peu le préambule à notre hiver. De mon Bed and Breakfast (Minton House), je suivis mon guide à pied jusque sous une tonnelle en fleurs d’où on m’annonça que j’étais rendue! De la verdure, des fleurs, des oiseaux qui chantent, des gens souriants, affairés, les maisons et bâtiments m’apparaissaient comme par magie les uns après les autres sans que je les entrevoie; les odeurs de terre, d’humidité m’envoûtaient autant que le sentiment de calme et de sécurité des lieux. Par contre, autant je sentais ce lieu magique et unique, autant je savais que ce n’était pas là que je vivrais ma vie. Cette constatation, cette certitude, était si forte en moi dès mon arrivée que je restai sur mes gardes. D’un accueil chaleureux, on passa à une visite du village en groupe tout en faisant la connaissance des participants. Par la semaine d’expérience, cette éco-communauté se donne le temps d’intégrer ses visiteurs tout en leur donnant l’opportunité de se poser des questions sur la connaissance de soi, sur leurs liens avec autrui, sur les relations de confiance et de méfiance, sur le sentiment d’appartenance à un groupe et ses résistances, sur le travail d’équipe et sur les jeux coopératifs. On apprend par ce biais à se connaître dans notre dynamique avec les autres, on voit clairement où sont nos forces et nos blessures, quelle est notre capacité d’adaptation et quelles sont nos résistances. Cette semaine permet de guérir, si on le souhaite, en vue de s’ouvrir aux autres et en précisant nos conditions. Le respect et l’écoute sont les règles d’or. Il y a toujours 2 animateurs (un homme et une femme) et quelquefois divers intervenants qui s’ajoutent. Différentes pratiques de la communauté nous sont partagées, telles que les danses et chants sacrés, les harmonisations, ou les méthodes de prise de décisions en groupe basées sur la méditation. L’histoire de cette communauté nous est également présentée, avec les différents organismes la formant, ainsi que leur mode de fonctionnement. À Findhorn, beaucoup de petits riens prennent une grande importance tels que le fait de donner des noms à tous les appareils électriques, qu’il y ait des petites notes sympathiques rappelant la méthode d’entretien des outils de jardinage, ou encore le fait que l’on participe obligatoirement aux travaux de la communauté une partie de la journée même lorsqu’on paie pour un atelier, les harmonisations (tune-in) à chaque rencontre de groupe pour bien véhiculer le principe qu’on ne peut entrer en contact avec autrui si on n’est pas d’abord en contact (conscient) avec soi et connecté à sa petite voix intérieure (ou pour certains, à Dieu). Il y a de même des affiches en bois discrètes rappelant que nous sommes à proximité d’une aire de méditation (en Nature ou près d’un sanctuaire intérieur) et nous enjoignant à faire silence. On peut participer ou non à toutes les activités de la communauté sans jugement et être tout autant reçu et accueilli par les membres de la communauté. On peut s’exprimer librement en tout temps et avec toute personne en tout lieu; on doit participer au ménage des lieux qu’on a occupés lorsqu’on les quitte, on mange divinement végétarien ou plutôt banalement selon l’équipe du jour à la cuisine, et on jouit des sons d’un lieu sans voiture, des oiseaux, de la mer, ou de l’éolienne contrastée avec celle de la base aérienne de l’OTAN juste à côté, de la vue des maisons écologiques, des capteurs solaires, de certains toits de chaume. Puis, il y a Cluny Hill, l’hôtel-école appartenant à la communauté et situé à Forres à quelques kilomètres du village de Findhorn, par lequel nous nous rendons en navette nolisée et prévue régulièrement. Côté organisation, on se sent comme au Club Med. Cluny Hill est un vieux bâtiment que les membres de la communauté entretiennent et utilisent afin d’accueillir une centaine d’invités et y loger certains membres qui désirent s’intégrer ou vivre une période plus longue dans la communauté en n’utilisant qu’une chambre. Cluny Hill a conservé tout son cachet d’autrefois et manifeste encore tout le luxe de son époque. Ses bains tombeaux sont une pure merveille ainsi que son sauna mixte et sa salle à manger. Un potager et un sentier en Nature entourent l’endroit. Il m’a été très agréable de partager mon temps entre la vie dans l’écovillage et la vie à Cluny Hill lors de mes séjours. L’atelier sur le but de la vie (durant la deuxième semaine) est aussi une session de groupe, mais d’abord axée sur soi, les autres étant là seulement comme reflets de nous-même ou pour nous stimuler. On s’engage dès le départ: l’action dans notre psyché intérieure autant que l’action physique sont omniprésentes, on se fait bouger les émotions, les pensées, le corps et les sentis. On brasse, on brasse, on brasse et on accueille, on se fait accueillir et on repart avec des objectifs de vie clairs, des moyens d’y arriver, en ayant pris soin de préparer notre réseau de soutien pour notre retour. Fatiguée mais déterminée, je suis revenue à Montréal en croyant que je pourrais mettre en action toutes mes décisions dans la semaine qui suivit, mais ce ne fut pas le cas. Je n’avais pas appris à me servir d’un réseau d’aide même s’il avait peut-être pu être là pour moi. Sept jours plus tard, je me retrouvais donc chez le chiropraticien pour une scoliose, la deuxième dans ma vie. Mon corps me montrait clairement que je ne suivais pas le chemin de ma vie! Je suis par la suite retournée à Findhorn afin de parfaire mes connaissances des écovillages, notamment lors d’un atelier intitulé “Community Ecology Spirit” en 1997, et lors de la conférence internationale “Creating Sustainable Community” en 1998. Plusieurs années se sont écoulées avant que je puisse mettre en action tout ce que j’avais décidé en 1994. Ma vision était si forte que le reste de mon être a toujours été guidé vers ce qui était le mieux pour moi afin d’arriver à devenir l’être que je devais être et faire ce pour quoi j’étais née. Findhorn est chère en mon âme et en mon cœur, c’est une source à laquelle je demeure connectée tout en sachant que je ne peux m’y abreuver qu’en petites quantités tant sa force regénérescente et constructive est forte. Avec les années, une perception plus claire des hauts et des bas de ces gens m’a permis de comprendre qu’on se devait de se servir de toutes les expériences des autres communautés afin de créer celles qui nous intéressent au Québec pour de ne pas répéter les mêmes erreurs et profiter de leurs sagesses et de leurs connaissances, qu’elles révèlent aisément et avec générosité. Certaines activités vécues pour la première fois à Findhorn m’ont tant marquée que je désirais les reproduire ici. Ce qui nous semble si simple là-bas, comme les harmonisations, est très difficile à mettre en pratique ici. Ce choc des mondes, ce constat qu’une communauté est une force puissante qui se bâtit au jour le jour et qui peut montrer aux autres de belles approches de la vie et des techniques relationnelles saines tout en gardant le contact avec les éléments de la Nature (de la vie), s’avère très difficile à vivre au retour de Findhorn. Or, même là, il a fallu quelques piètres expériences pour me rendre compte que seule, je pouvais difficilement apporter tout ce que j’avais appris. Je crois que c’est avec de la persévérance et de la passion que je suis arrivée à garder le cap sur la nécessité de créer des écovillages au Québec et qu’il fallait aussi rassembler les gens pour ce faire. Il a fallu aussi que d’autres personnes au Québec reconnaissent ce qu’elles avaient à faire et le fassent pour que la grande famille des écovillageois grandisse ici et commence à prendre son envol. Je suis maintenant fière d’avoir persévéré. La récolte commence à se faire, je vais continuer à semer en agrandissant mon territoire. Divers écovillages se créeront ici. Assurément, ils ne seront peut-être pas tous des écovillages spirituels (où l’importance est mise sur la relation de l’individu avec sa sagesse intérieure et la reconnaissance de celle-ci). Malgré tout, je suis à présent apte  à entendre ma petite voix et à savoir quand l’autre est en contact avec la sienne. Ainsi, nous pouvons créer dans le respect et la simplicité.

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