La gestion écologique des excréments humains

par Marie-Lou Gendron Les personnes utilisant une méthode alternative de gestion de leurs propres excréments prennent simplement pour acquis que le recyclage des fumiers humains est une responsabilité personnelle, quotidienne et nécessaire au bien-être des sociétés humaines et de l’écologie planétaire. Parmi les dizaines de solutions alternatives à la chasse d’eau existant sur le marché, je vous parlerai de mon expérience qui me semble de loin la plus simple, écologique et économique. Il s’agit de la toilette de bran de scie. Son fonctionnement est tout à fait simple. La première étape est de déposer nos excréments liquides ou solides dans une chaudière imperméable d’environ 5 gallons qui ne se désintégrera pas trop vite. Les déchets de table devraient être recueillis dans un contenant séparé mais ils peuvent être déposés sans problème dans la toilette de bran de scie. Un contenant de 5 gallons est recommandé car plus gros, il sera trop lourd pour être confortablement transporté une fois plein; trop petit, vous devrez le vider trop souvent. Tout ce qui est déposé dans la chaudière doit être abondamment recouvert avec un matériau biodégradable à haute teneur en carbone tel du bran de scie, de la mousse de tourbe, des coupures de gazon, etc. Ceci prévient les odeurs, absorbe l’urine et élimine l’éventualité des mouches venant pondre leurs oeufs. L’essentiel est de maintenir le contenu de la toilette constamment recouvert d’une épaisse couche de matériaux carbonés. Lorsque la toilette n’est pas utilisée, le couvercle doit absolument rester fermé. Le couvercle doit être étanche et ne point laisser passer d’air, d’eau ou de mouches. S’il venait à manquer à ses fonctions, la couche de matériau carboné est là justement pour agir en permanence contre les odeurs et les mouches. Fermer le couvercle est cependant plus pratique et esthétique. N’utilisez pas de bran de scie de bois traité ou verni, il peut contenir des produits nocifs que nous voulons éviter d’introduire dans le compost. Le bran de scie est un matériau plutôt disponible et économique. Mais à vous de trouver le matériau qui vous convient le mieux selon sa disponibilité dans votre région. La mousse de tourbe s’entrepose bien à l’intérieur l’hiver. Bien sûr, il faut se souvenir que nous aurons besoin de matériaux carbonés à l’année. Lorsque la chaudière est pleine, elle est transportée à l’aire de compostage et déposée sur la pile. Puisque la chaudière doit être transportée à l’extérieur, une porte de sortie devrait être proche de la toilette afin que tout se fasse de façon rapide et sanitaire. Une fois dehors, l’idéal est de creuser une petite dépression au centre de la pile et d’y déposer le contenu frais de façon à ce que les excréments restent au centre de la pile, là où c’est le plus chaud. Soyez particulièrement attentifs et conscients de l’hygiène lors de toute interaction avec la pile de compost en activité. Si vous utilisez des outils (pelle, râteau, fourche) qui y touchent, réservez-leur ce strict usage, identifiez-les soigneusement afin que tous sachent à quoi ils servent. Une fois cette étape achevée, il faut recouvrir le dépôt d’une généreuse couche de paille, de feuilles mortes ou tout autre matériau carboné afin d’éliminer les odeurs et créer les conditions nécessaires à un processus de compostage adéquat. Recouvrez la pile d’une bâche pour prévenir le lessis de la pluie et les mouches. Ensuite la chaudière sera lavée et frottée avec une petite quantité d’eau et de savon biodégradable. Une brosse de toilette à long manche fonctionne à merveille. Rincez, puis versez l’eau souillée sur la pile de compost qui l’absorbera. N’utilisez jamais de chlore pour rincer la chaudière. Le chlore est un poison qui porte préjudice à l’environnement et qui nuit au processus de compostage quel qu’il soit. Il est impératif que l’eau souillée ne pollue pas l’environnement. La meilleure façon de le faire est de jeter l’eau souillée immédiatement sur la pile de compost. Cette eau souillée ne doit jamais être jetée nonchalamment n’importe où. Cette étape est cruciale et elle est aussi le maillon faible de la chaîne de compostage des excréments humains. C’est ici que le risque de contamination de l’environnement est le plus élevé. Sauf que cette contamination peut être aisément évitée par la gestion responsable et attentionnée du système. C’est là que les personnes impliquées doivent être vigilantes. Après avoir été lavé et rincé, le réceptacle de la toilette est replacé à l’endroit initial. Le fond doit être recouvert d’un peu de matériau carboné, puis la toilette est prête à être utilisée de nouveau. Il se peut qu’il faille changer de réceptacle après quelques années et cela est essentiel pour le maintien d’un système sans odeurs. Les vieux réceptacles doivent être trempés dans une eau savonneuse pour quelques jours avant d’être utilisés à nouveau ou recyclés. Il est important que le design de votre toilette cadre parfaitement avec la grosseur du réceptacle, afin que ce qui tombe se dépose dedans et non à côté... Il est aussi recommandé de posséder plusieurs réceptacles identiques avec un couvercle hermétique... imaginez la visite surprise de 30 de vos amis en même temps, si vous n’avez qu’une chaudière! En ayant plusieurs contenants, vous n’avez qu’à les vider une fois tout le monde parti! Ici aussi, une abondance de matériel carboné s’impose en tout temps. Il y a plusieurs avantages au système de la toilette de bran de scie. Le coût de fabrication des installations est ridicule et demande très peu de temps ; même chose pour le fonctionnement du système. De plus, un système si simple qui gère efficacement les excréments humains représente un grand pas de plus vers la sauvegarde de nos eaux potables, la conservation de l’énergie, la réduction de la contamination des sols et des puits, etc. Le cycle de l’humain est complet et nous y participons activement et méticuleusement. En ayant en activité une toilette chez nous, cela nous donne une excellente occasion de partager et de conscientiser notre entourage à ce sujet. Je ne vois que 4 désavantages à l’utilisation de la toilette de bran de scie.
  • Aller vider la chaudière à la pile constitue un inconvénient au même titre que les déchets de table ou les vidanges au chemin.
  • Il faut constamment s’assurer d’avoir un tas de matériaux carbonés en quantité suffisante.
  • Il faut gérer le système et assurer un suivi de la pile de compost en question.
  • Il est possible que cela devienne votre sujet de conversation numéro 1!
En ce qui concerne la gestion de la pile de compost, il y a amplement de documentation à ce sujet mais je dirais qu’il est primordial de comprendre qu’il y a deux facteurs impliqués dans la destruction des pathogènes potentiels des excréments humains. Le premier facteur est la chaleur, le deuxième, le temps. Une fois que la pile de compost a suffisamment chauffé, elle devrait être laissée tranquille sous une bâche pour vieillir. La chaleur détruira les pathogènes potentiels et le temps en permettra la décomposition finale effectuée, entre autres, par des champignons et les vers de terre. Ceux-ci viennent dans la pile une fois la chaleur dissipée. Afin de fournir ces deux facteurs au système de compostage, il est recommandé de construire 3 boîtes ou “bins” à compost. La première boîte est toujours celle qu’on remplit en premier, avec le contenu frais des chaudières recouvert de matériau carboné. Lorsqu’elle semble pleine (après environ 1 an pour deux personnes), il est alors temps d’entamer la seconde boîte. Pendant que vous remplirez la deuxième boîte, la première vieillira et aura le temps de chauffer suffisamment. Lorsque la deuxième sera remplie, la troisième boîte servira alors à entreposer les matériaux carbonés. Le compost âgé devrait être utilisé comme amendement dans les vergers et dans la culture de petits fruits ou toute autre culture dont la partie comestible est à hauteur raisonnable du sol. Tout fruit ou légume ayant accidentellement été en contact avec le compost devrait être cuit avant d’être consommé. Cela par précaution. Ce système est actuellement à l’oeuvre dans plusieurs communautés et maisons en Amérique du Nord mais aussi ailleurs dans le monde. Il est efficace et sanitaire s’il est responsablement entretenu. Il existe de la documentation à ce sujet et je vous invite grandement à approfondir vos connaissances si cela suscite votre intérêt ou si vous désirez utiliser ce système chez vous. En terminant, je vous dis que seule l’éducation peut guérir la fécophobie!   Références: The Humanure Handbook par Joseph Jenkins, 1999  www.jenkinspublishing.com Goodbye the flush toilet, par Carol Stoner, 1977, Rodale Press.

Les commentaires sont clos.