L’art de la tolérance… ou le chemin de la compassion

par Catherine Forest Sommes-nous aussi ouverts d’esprit que nous aimerions le croire? Quand on choisit de vivre en vase clos, que ce soit dans une communauté, dans un écovillage ou dans un coin de pays reculé, il faut garder à l’esprit ce qu’occasionne cette isolation. On se regroupe parce qu’on se ressemble, mais on peut aussi vite se couper du reste du monde parce qu’il ne partage pas nos valeurs. Sans parfois s’en apercevoir, on porte des jugements sur les façons de faire de la culture de masse, on estime qu’il s’agit d’un manque d’éducation ou d’amour de soi. Les causes pour lesquelles on milite et qui nous tiennent à cœur ont une importance grandiose à nos yeux, mais il ne faut pas perdre de vue qu’elles ne résonnent pas nécessairement de cette façon pour tous. Nos gestes ou notre non verbal traduisent parfois de l’intolérance envers ceux qui ne partagent pas nos convictions, que ce soit pour nos parents qui ne veulent pas manger bio parce que ça coûte trop cher, même s’ils gagnent trois fois notre salaire, ou qu’ils ne veulent rien savoir de composter parce que ça pue ou que c’est trop compliqué. Notre souci d’inclusion se traduit parfois par un désir d’assimilation et d’uniformisation parfois dérangeant aux yeux de ceux qui nous entourent. On n’est pas plus évolué parce qu’on vit dans le bois sans eau ni électricité, pas plus qu’on a une longueur d’avance parce qu’on met des couches de coton à notre bébé et qu’on a choisi de vivre sans la télé. On a juste fait des choix sensés pour nous.

L’autre jour, en me promenant dans la forêt près de chez moi, je suis tombé sur une mine de déchets abandonnés par quelqu’un qui avait décidé de reculer avec sa camionnette sans se soucier de briser une bonne dizaine d’arbres et qui y avait vidé le contenu de la boîte du véhicule. La boucane me sortait par les oreilles tandis que je tentais de nettoyer l’endroit. Puis, je me suis arrêtée pour y réfléchir un peu. J’ai longtemps cru que la réponse à bien des maux résidait dans l’éducation, mais je sais aussi que le passé laisse souvent des traces indélébiles que toute l’éducation du monde ne saurait effacer. Ceux qui avaient commis cet acte irresponsable à mes yeux avaient sans doute leur histoire que je ne connaissais pas et j’ai j’ai éprouvé tout à coup une certaine compassion pour eux.

Il y a eu un moment charnière dans ma vie où j’ai effectué une prise de conscience sur la tolérance et la compassion. Après la naissance très traumatique de mes jumelles, j’ai dû renoncer, le cœur brisé, à l’allaitement, après avoir vu mon accouchement naturel se transformer en désastre médical. Un jour où je donnais le biberon à ma petite Mara dans un petit café avoisinant, j’ai été fusillée du regard par ma voisine de table. Si seulement cette femme avait pu lire au fond de mon regard mon terrible chagrin et ce deuil de donner le sein à mon bébé, et malgré tout, tout l’amour qui émanait de moi en lui offrant cette bouteille, peut-être que son air de mépris et de condescendance aurait fait place à un peu de compassion. Il ne faut jamais oublier que derrière chaque choix, chaque geste, il y a une âme avec une histoire. De la tolérance naît l’acceptation de la vraie nature de l’autre. Quand on tente tant bien que mal de convertir les nôtres aux graines germées ou à la simplicité volontaire, qu’on coupe les ponts avec une copine magasineuse compulsive, qu’on roule les yeux au ciel devant le refus d’un parent à troquer ses Tylenol contre des huiles essentielles, au fond, c’est peut-être nous qui manquons de tolérance et d’ouverture d’esprit. Chacun a son bagage et celui-ci laisse une empreinte profonde dans l’âme du monde. Ayons comme mission commune de créer des communautés alternatives englobantes et inclusives, basées sur la tolérance, la compassion et le non-jugement.

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