Le Cheval Canadien

par Geneviève Roy-Proulx

“Je me levay un matin Plus matin que la lune. J’allais abreuver mes chevaux Dans les flots de Neptune.”

Chanson du forgeron ancien (XVIIe siècle) Il était une fois… le “petit cheval de fer”. Ses ancêtres étaient arrivés au Québec au milieu du 17e siècle, envoyés par le roi de France, Louis XIV, comme présents aux seigneurs et gentilshommes de la colonie d’alors. Après avoir survécu aux dures conditions de la traversée de l’Atlantique, ces chevaux, originaires de Normandie et de Bretagne, ont eu à braver la réalité du climat québécois, et à s’adapter aux maints travaux auxquels on les attela. Ils furent effectivement les grands défricheurs de la vallée du St-Laurent, ainsi que laboureurs des champs et transporteurs des récoltes jusqu’aux villes. Attelés à la calèche en été, à la carriole en hiver, ils constituèrent également le moyen de transport privilégié des habitants de la Nouvelle-France. Plusieurs chevaux ont même participé aux guerres de l’époque, comme à la bataille des plaines d’Abraham en 1759. C’est ainsi que le cheval arrivé de France s’adapta de tout son crin à la terre québécoise et devint, au fil de son évolution, celui que l’on nomme aujourd’hui le “petit cheval de fer”. Rustique, vigoureux, fort et endurant, il a développé au fil des siècles une polyvalence qui fait maintenant de lui un compagnon idéal pour le petit fermier - et l’écovillageois! - québécois. Cette race chevaline “canadienne” a été protégée au cours de l’histoire. Pour son tempérament exceptionnel, sa polyvalence, et le lien qui le lie à l’histoire de cette terre, il est devenu l’emblème de nos campagnes et est maintenant reconnu comme faisant partie du patrimoine canadien. Vous pourrez connaître davantage son histoire, ses caractéristiques, ou joindre les fermiers membres de l’Association Québécoise du Cheval Canadien sur le site Internet suivant: www.chevalcanadien.org. Le cheval dans l’écovillage Qu’il soit de race “canadienne” ou autre, le cheval peut facilement devenir un personnage central dans l’écovillage au Québec. L’avantage du cheval canadien réside dans son tempérament ainsi que dans sa constitution. De tempérament, il est doux, docile et calme, ce qui en fait un excellent cheval familial et de selle (pour l’équitation). De constitution, il est vigoureux, fort et endurant, ce qui est idéal pour les travaux de la ferme. Très rustiques, ces chevaux font d’excellents partenaires en écoforesterie, où ils peuvent fournir de longs efforts sans se fatiguer. Habiles dans la neige, ils sont une aide précieuse pour la collecte de l’eau d’érable au début du printemps. En terme de valeurs écologiques, le cheval peut offrir un mode de vie sain et naturel. Il est un excellent enseignant dans l’art de la communication, comme nous le verrons avec certaines méthodes douces d’élevage. Il a également fait ses preuves comme thérapeute - la thérapie équestre commence à s’implanter au Québec. Enfin, le cheval sait rejoindre chez plusieurs d’entre nous ce petit côté sauvage qu’on a tendance à oublier lorsqu’on vit en ville et loin de la terre: il permet de renouer le contact avec la Nature. 1. L’élevage. Bien plus subtil que l’apprentissage de l’équitation, celui de l’élevage du cheval est d’une richesse incroyable en terme du développement de ses habilités à communiquer et à établir une relation de confiance avec un animal qui demeure sauvage par nature. Si l’on s’éloigne des anciennes méthodes rudes de dressage où l’on “cassait” un cheval afin d’obtenir sa soumission - “to break a horse” - on découvre alors tout un monde de subtilité et surtout, la richesse d’une relation où le but n’est plus de dominer, mais d’obtenir la coopération volontaire et généreuse que le cheval sait si bien offrir à celui ou celle qu’il respecte. Nous entrons dans l’art des “chuchoteurs” ou “horse whisperers”. Les chuchoteurs sont ces personnes qui savent “écouter” le non-verbal des chevaux et leur parler dans un langage qu’ils comprennent. Leur approche se base sur l’observation du comportement des chevaux sauvages et permet d’entrer réellement en relation avec eux. Si vous avez lu le livre “L’homme qui sait parler aux chevaux”, de Monty Roberts, ou vu le film “L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux”, vous pouvez déjà vous faire une idée de cette approche. Pour l’approfondir, je vous propose de lire sur la méthode Parelli, qui offre une approche systématique basée sur sept jeux, les interactions naturelles des chevaux entre eux, afin de déterminer leur place hiérarchique et d’établir l’amitié. Le site www.parellicanada.com offre une excellente introduction. Au Québec, on peut assister à des cliniques ou suivre des formations offertes occasionnellement. Une autre référence à consulter est le site québécois d’équitation X-Equo, www.x-equo.com, où l’on peut s’informer des cliniques Parelli à venir. 2. L’équitation thérapeutique. Ce qu’on appelle “l’équitation thérapeutique” viendra certainement rejoindre la fibre “médecine douce” chez bien des écovillageois. Cette thérapie constitue effectivement une aide précieuse chez les personnes handicapées physiquement ou intellectuellement, à qui elle bénéficie tant aux plans physique que psychologique. On l’utilise souvent parallèlement à la physiothérapie: elle développe l’équilibre, la coordination et la concentration, augmente le tonus musculaire, diminue la spasticité et développe la confiance en soi. Cette approche, dans un écovillage, serait selon moi un pas dans le processus d’intégration de personnes ayant des besoins différents et spécifiques. Pour plus d’information, vous pouvez consulter le site de L’association canadienne d’équitation thérapeutique (qui se situe à Guelph, en Ontario, mais vous y trouverez la liste des centres au Québec): www.cantra.ca. Il y a aussi la Fédération québécoise d’équitation thérapeutique à Montréal, que vous pouvez joindre les mercredis au (514) 252-3053, poste 3570. 3. L’Équitation écologique. J’aimerais ajouter à ces différentes avenues une vision personnelle que je nourris et espère concrétiser au sein d’une communauté: celle de “l’équitation écologique”. J’imagine, sur la base d’excursions à cheval de quelques jours, offrir à la population québécoise une nouvelle possibilité de se reconnecter avec la Nature. Différentes des excursions normalement offertes dans les centres équestres de la province, celles-ci seraient une porte ouverte sur l’apprentissage et l’exploration de notre lien à la terre, par l’initiation à certaines techniques de survie en forêt, le partage de connaissances sur les plantes médicinales, l’expérimentation avec différentes traditions amérindiennes (l’hébergement en tipi, les saunas de vapeur, etc.). Le cheval serait alors une porte d’entrée vers l’approfondissement du lien qui nous unit à la terre. Pratico-pratique Revenons dans le concret. Voici un bref aperçu des implications du choix de partager sa terre et son temps avec des chevaux. Il y a d’abord l’achat. Le cheval canadien, étant considéré “patrimoine canadien” depuis un peu plus d’un an, se vend dorénavant plus cher. Pour un jeune poulain non “débourré” (c’est-à-dire qui n’a pas encore été habitué à la selle ou au travail), on peut s’attendre à payer 1000$ (s’il n’est pas enregistré) ou de 2500 à 3000$ s’il est enregistré. Il faut s’attendre à davantage si l’on choisit un cheval adulte débourré. Par comparaison, un poulain non racé peut se vendre de 750 à 1000$, alors qu’un cheval plus âgé et expérimenté serait vendu aux alentours de 2500 à 3000$. Tout dépend donc de ce que l’on veut faire avec le cheval. Pour de l’équitation seulement, le choix est vaste. Mais pour le travail de la ferme, il faut choisir des chevaux plus costauds, comme les percherons (ces gros chevaux que vous voyez souvent tirer les bogies). Parmi tous, le cheval canadien demeure le plus versatile et le mieux adapté à la vie sur une ferme. Après l’achat, il faut décider si les chevaux vivront à l’extérieur ou dans une écurie. À l’extérieur, il faut s’assurer qu’ils puissent trouver de l’eau et de l’herbe en abondance. Plutôt simple en été, mais pendant l’hiver, on doit suppléer au peu de nourriture disponible en fournissant du foin quotidiennement. La construction de clôtures est aussi de mise, si l’on veut éviter d’avoir à courir après ses chevaux dans la campagne environnante! On peut aussi choisir de construire un abri simple, ce qui fournit de l’ombre en été, et sert de refuge pendant les intempéries. Construire une écurie est un projet d’une toute autre envergure: il faut s’y connaître davantage en construction, et s’assurer que l’aération et l’isolation soient bonnes. Les chevaux demandent alors plus de soins: on doit les nourrir quelques fois par jour, et les faire sortir régulièrement. Reste le débourrage, où il faut s’y connaître au moins minimalement afin d’éviter de s’y prendre dangereusement, pour soi comme pour le cheval. Le temps nécessaire à l’entraînement d’un cheval, avant qu’il puisse être monté de façon sécuritaire ou qu’il apprenne un certain travail, varie selon l’expérience et les méthodes employées. Certains chuchoteurs apprivoisent les chevaux en un temps record, mais en général, on peut s’attendre à un bon mois d’entraînement régulier. À prendre aussi en considération les visites chez le vétérinaire, le forgeron et les assurances. Il y a également un minimum d’équipement utile (selle, licou, attelage pour le travail, etc.) que l’on peut choisir neuf ou usagé. C’est donc dire que les responsabilités et les coûts liés au choix d’avoir des chevaux en communauté ne sont pas négligeables. Ils demandent du temps et une présence constante, et la situation idéale est d’être plusieurs à savoir prendre soin de ceux-ci, afin de pouvoir partager la tâche. Mais le plaisir qu’on reçoit en retour en vaut définitivement la peine. Pour ceux qui seraient intéressés à s’initier au travail de ferme avec les chevaux, je recommande vivement le “wwoofing” (se référer à Aube #11). C’est la meilleure façon d’apprendre, en vivant cet apprentissage au quotidien avec des fermiers qui ont beaucoup d’expérience à partager.

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