Le retour du principe féminin et la quête de l’androgynie

Il fut un temps où le monde était gouverné par les femmes, c’était l’ère du matriarcat. La légende dit qu’elles ont perdu ce pouvoir parce qu’elles l’ont mal utilisé. Le patriarcat a supplanté le matriarcat, mais les hommes semblent avoir répété la même erreur en abusant eux aussi de leur pouvoir. La guerre des sexes ressemble à un cercle vicieux duquel l’humanité semble ne jamais sortir.

Dans ce patriarcat qui prévaut depuis des siècles, la femme est méprisée autant que la Terre mère ; les hommes et le principe masculin se sont imposés dans tous les domaines, même la naissance des enfants. Partout, l’hémisphère gauche prédomine sur le droit, c’est-à-dire la raison, la logique, l’espace-temps même dans les domaines artistiques et spirituels. Tout est devenu« scientifisé ». Même les femmes, pour la plupart, ont adopté cette vision de la vie.

J’aime beaucoup la définition que le célèbre psychanalyste C.G. Jung donne du féminin en moi: « Les sentiments et les humeurs vagues, les intuitions prophétiques, la sensibilité à l’irrationnel, la capacité d’amour personnel, le sentiment de la nature et enfin, mais non des moindres, les relations avec l’inconscient. Ce n’est pas par hasard que l’on choisissait autrefois des prêtresses pour sonder la volonté des dieux et communiquer avec eux. »

Je ne considère pas que les féministes ont vraiment libéré les femmes. Elles se sont plutôt grandement masculinisées. Elles sont devenues agressives, workaholic, ont négligé leur coté maternel, etc. Elles ont eu une réaction normale de mouton noir après des siècles d’oppression. Même si leurs efforts ont été très utiles jusqu’à maintenant, ce n’était qu’une étape vers autre chose. Elles ont développé leur principe masculin, certes, mais au détriment de leur féminité ; se sont coupées de leur intuition et de leur créativité véritables qui sont ridiculisées dans ce monde où tout est sacrifié sur l’autel de la productivité et du profit. Ou au contraire, elles essaient de se conformer au modèle très étroit de la beauté établi dans les magazines par les hommes et pour les hommes.

L’époque dans laquelle je vis dénigre tout ce qui est féminin. Par féminin, je veux dire l’intuition, la contemplation, le monde intérieur. Ceux-ci sont dénigrés, car ils ne rapportent pas aux multinationales, ils ne font pas rouler l’économie: quand je suis en contact avec mon monde intérieur, j’ai moins de besoins donc je consomme moins. De plus, je ne suis pas manipulable. Les maîtres du monde n’ont pas intérêt à ce que je découvre que j’ai en moi la richesse illimitée, la plénitude, l’Univers. L’humanité, en ne fonctionnant qu’avec son hémisphère gauche masculin, se coupe de toute une partie de son être qui a aussi besoin d’être nourrie, alimentée et exprimée et sans laquelle le bonheur n’est pas possible.

Un autochtone disait: « Dans notre culture traditionnelle, quand une personne cherchait à connaître quelque chose, au lieu d’aller fouiller dans les livres, elle assistait à une cérémonie et allait chercher cette information dans l’inconscient collectif. Nous n’avions pas de livres ou d’alphabet écrit. Les cérémonies étaient et sont toujours utilisées pour trouver des remèdes aux maladies, interpréter les rêves, trouver des objets perdus et regarder le passé ou le futur pour comprendre le but de la vie révélé dans notre quête de vision ». C’est cela vivre à partir de son principe féminin.

Plus j’entre en moi, plus je prends conscience que le masculin et le féminin sont deux principes présents non seulement dans l’Univers, mais aussi en moi-même. Dans l’Univers sous la forme des principes du yin et du yang, du négatif et du positif, du noir et du blanc, du cercle et de la ligne droite, de l’interdépendance et de la hiérarchie. En moi, par l’hémisphère droit et gauche, l’intuition et la raison, la passivité et l’activité, la réceptivité et l’émissivité.

Je donne presque toujours la suprématie à mon hémisphère gauche: la raison, la logique, l’action. C’est ce qu’on m’a toujours enseigné. Et c’est pourquoi, très souvent, je me « casse la gueule ». À l’image des hommes qui ont maladivement besoin de contrôler la femme parce qu’ils en ont peur, ma raison s’empresse souvent de taire et de renflouer toute inspiration ou intuition, tout appel intérieur qui lui apparaissent insensés ou menaçants. Elle en a une peur bleue. Je jette le blâme sur l’éducation que j’ai reçue, le monde dans lequel je vis. Et si c’était l’opposé? Si le monde était ainsi parce que je suis ainsi? Le monde extérieur n’est-il pas un reflet du monde intérieur?

J’apprends de plus en plus à fonctionner à partir de mon principe féminin. J’ose suivre les appels intérieurs apparemment insensés à ma raison. Je fais confiance, je plonge dans le vide. Je suis mon intuition qui me parle sous forme de sensations, de rêves et de signes. Je prends bien soin de la distinguer de mes peurs et de ma fausse imagination.

Puisque j’ai les deux principes en moi, je prends bien soin d’harmoniser mon couple intérieur pour que chacun ait sa place et joue son rôle au bon moment. Je ne suis pas une moitié qui cherche son autre moitié. L’âme sœur est d’abord en moi et quand je suis amoureuse, je ne fais que la projeter sur l’autre. Ce qui ne m’empêche pas de vivre de merveilleuses romances. Elles seront d’autant plus magnifiques qu’elles ne seront pas empreintes de jalousie, de possessivité, de contrôle, de peur de perdre. Quand j’agis ainsi, ma vie passe de la prose à la poésie, du noir et blanc aux couleurs, du chaos à l’ordre, de la cacophonie à la symphonie.

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