par Geneviève Tremblay
Nous sommes parties dès la fin juin pour aller monter notre campement sur les abords du lac St-Lô, à douze kilomètres du village du Dozois, lui-même à six kilomètres de la route 117. Il nous a fallu environ une semaine pour installer nos repères géographiques: Kitcisakik, St-Lô, Grand-Lac-Victoria, Dozois, Lac-Simon, Louvicourt, Val d’Or; la Maison des Jeunes, le Centre Savoir-être-Savoir-Faire, le Centre de santé, le Conseil de bande, le Bloc sanitaire, le dépanneur.
Nos ressources immeubles et matérielles une fois bien établies, nous pouvions recevoir le reste de la troupe et commencer à préparer les ateliers. Nous savions déjà que ces derniers seraient insérés dans les activités du terrain de jeu des enfants de 5 à 12 ans, et que nous aurions l’aide des jeunes monitrices et moniteurs de la Maison des Jeunes. Il nous restait à nous départager les groupes entre nous cinq, les animatrices du Tour de Babel, dont faisait partie une stagiaire venue expressément de Belgique pour compléter notre équipe.
Nous avons eu la chance de passer notre première semaine d’adaptation sur le site ancestral du Grand Lac Victoria, durant l’Assemblée générale annuelle de la communauté. Une semaine à jouer tout simplement avec les enfants, à observer les manières de faire les moniteurs, à se promener sur l’île, à goûter à l’esturgeon, à apprendre à mieux connaître les préoccupations de la communauté, à travers les allocutions du comité forêt, du directeur du dispensaire, du responsable de l’éducation aux adultes, etc.
Nous avons donc commencé officiellement le 29 juin. Cette deuxième semaine… a réellement été celle du choc culturel! Ne sachant pas toujours comment canaliser l’énergie débordante des enfants, ni comment susciter perpétuellement leur intérêt pour un art qui leur était une abstraction pure, ce baptême de feu nous a sérieusement toutes mises à l’épreuve, et très certainement ébranlées dans nos convictions: mais qu’est-ce qu’on fait ici? Le mauvais temps, les moustiques et l’inconfort de nos tentes ont presque eu raison de notre moral. Nous devions nous évader, ce que nous faisions toutes les fins de semaine, pour retrouver un peu de béton, d’eau courante et de lits sans grains de sable.
De retour au travail, le mot d’ordre était «adaptation». Il nous fallait constamment inventer des solutions de rechange, demeurer dans le concret, le manuel et l’activité physique, traduire nos beaux concepts de filles de théâtre dans des mots imagés et parlant aux jeunes oreilles hyperactives, et nous battre encore et toujours contre le doute et la justification chambranlante de notre outil théâtral.
Le «téléphone arabe» s’est transformé en «passer le secret»; un exercice de concentration yeux dans les yeux est devenu «regarder avec des lasers»; la construction des masques a connu un franc succès, et le fait de pouvoir se cacher derrière a certainement aidé ces petites têtes noires à se dégêner et à incarner des animaux de toutes sortes.
Au bout de trois semaines, nous avons également pu instaurer un autre projet, parallèlement aux cours d’art dramatique du terrain de jeu, qui consistait à offrir, hebdomadairement, des ateliers de création collective destinés aux adultes. Ouverts à tous, ceux-ci ont connu un franc succès, autant auprès des gens de la communauté que des visiteurs allochtones. Ce furent des lieux et des moments de rencontres extraordinaires, pour le simple plaisir de jouer et de rire ensemble. Nous avons également eu l’occasion d’insérer, dans le groupe du club optimiste, un atelier davantage orienté vers des techniques de théâtre d’intervention sociale, où nous avons eu à traiter le thème de la dépendance affective, par le biais d’exercices théâtraux. Encore une fois, le bilan des participants et des intervenantes s’est révélé positif.
Comme nous atteignions enfin une certaine accoutumance à la vie de camping, une stabilité émotionnelle, et que nous arrivions enfin à coordonner nos interventions ainsi qu’à générer une dynamique d’animation fluide, la composition de notre équipe est brutalement passée de cinq à trois animatrices à la mi-parcours. Nous avons dû reconsidérer nos méthodes de travail. Heureusement, l’arrivée d’un invité spécial, monsieur Hamidou Savadogo, originaire du Burkina Faso, a grandement contribué à donner un coup de fouet ainsi qu’une orientation nouvelle à la direction des ateliers des enfants.
Des coulisses à la scène
Nous nous sommes ainsi rendues compte qu’il fallait leur trouver un but, à tous ces exercices, et que le seul plaisir de faire du théâtre pour du théâtre n’allait pas suffire pour soutenir l’intérêt de nos jeunes participants. Nous qui nous nous étions donné comme règles très démocratiques de suivre la volonté du groupe avons dû revisiter un peu nos principes, si nous ne voulions pas que le projet tombe complètement à l’eau.
Ainsi, avec monsieur Savadogo comme animateur invité, nous avons exploré l’univers des contes, allant puiser à même la tradition anicinape pour en adapter quelques-uns que les enfants allaient pouvoir présenter devant leurs parents.
Les rôles ont été distribués parmi ceux qui se sont montrés les plus intéressés à monter sur scène. Les enfants ont également participé à tout le processus de production d’un spectacle, allant de la construction des costumes et des décors, jusqu’à la confection de leur maquillage et des programmes, incluant la publicité de l’événement
Le spectacle incluait deux courtes pièces, la première inspirée d’un conte pour enfants, et la seconde tirée d’un recueil de récits de Kitcisakik, et a été présenté lors de la soirée de visionnement des films que le Wapikoni Mobile avait contribué à produire, durant le mois d’août.
Les animatrices étaient très certainement aussi fières que les parents de voir les petits bouts affronter leurs craintes et surmonter leur timidité sur la scène. La foule croulait sous les rires, et on pouvait voir le sentiment de fierté qui animait autant les acteurs que les spectateurs.
Le retour
Une semaine après la présentation, nous avons dû plier bagage, la larme à l’œil, riches des liens qui s’étaient tissés durant ces dix semaines passées dans la communauté.
Le Tour de Babel est retourné à Québec et à ses activités, préparant la diffusion de son expérience anicinape et travaillant au montage du documentaire qui a été filmé durant le séjour de la troupe en Abitibi, ainsi qu’à la première édition de son journal Le Souffleur, qui relatera en détail les impressions des membres de l’équipe, sans oublier les témoignages de certaines personnes du village du Dozois.
Au plaisir de vous compter parmi nos lecteurs.
Présentation du journal Le Souffleur
Les projets du "Tour de Babel" racontés dans un nouveau périodique
Nous sommes un organisme sans but lucratif nommé Le Tour de Babel, troupe nomade de théâtre d’interculturation. Notre objectif est d’aller offrir des ateliers d’art dramatique dans des localités isolées, auprès de populations marginalisées.
Notre premier projet, Dans les coulisses de la Grande Tortue, a eu lieu cet été dans la communauté anicinape de Kitcisakik, en Abitibi-Témiscamingue. Nous avons aussi mis sur pied un périodique, Le Souffleur, afin de faire connaître dans la région de Québec nos activités et nos projets, ainsi que de sensibiliser la population aux enjeux autochtones.
Un premier feuillet d’information a été publié avant notre départ au printemps, et nous sommes présentement en rédaction pour le premier numéro officiel, dont la parution est prévue pour la mi-novembre, et qui sera disponible en kiosque, ainsi que lors de nos activités.
Vous y trouverez des articles sur la pratique du théâtre, qu’il soit d’intervention, communautaire, ou d’interculturation, des récits des participantes sur le projet Dans les coulisses de la Grande Tortue, ainsi qu’un dossier sur la communauté anicinape de Kitcisakik, son passé et son présent. Nous vous invitons cordialement à prendre connaissance de ce merveilleux projet en lien avec les Premières Nations.
L’adresse courriel du Souffleur, pour ceux qui désireraient éventuellement y participer, y placer des annonces, ou simplement entrer en contact avec nous afin d’avoir plus d’information, est la suivante : lesouffleurdebabel@gmail.com.
- Un numéro spécial sur la commuanuté anicinape (algonquine) de Kitcisakik
- Un périodique issu de rencontres interculturelles à travers le théâtre
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