L’écoforesterie

par Robert Eichenberger LA FORÊT est un des facteurs les plus importants dans le maintien des équilibres: gazeux, météorologiques et physiques de la terre. C’est le maintien de cet équilibre qui rend  notre planète viable pour la plupart des êtres y compris l’humanité.  Déjà là, c’est une raison de traiter nos forêts avec plus de respect, de reconnaissance et d’amour. L’Écoforesterie n’est pas anthropocentrique. C’est écocentrique, c’est-à-dire, centrée sur la forêt elle-même.  On  donne ce qu’on peut à la nature, on prend ce qu’elle nous offre en disant merci.  On lui accorde notre confiance pour prendre soin d’elle-même et pour prendre soin de nous. La Nature n’a besoin de nous que dans les endroits où nous avons déjà causé des torts. Par exemple, quand je travaille en forêt, j’essaie d’adoucir les points de stress. Je prends l’arbre que le vent a versé sur un autre et qui est en train de le tuer. Ou je peux aussi prendre ce que la forêt me donne en soulageant les peuplements limités par une compétition trop forte et malsaine.  Encore, je peux abréger la souffrance d’un arbre mourant tout en dégageant l’espace pour ses voisins qui ont de l’avenir.  Mais ce sont des comportements généraux car j’essaie de suivre les indications de la nature plutôt que des lois humaines rigides. Une raison du bien fondé et du futur de l’écoforesterie est que les végétaux en général, créent des conditions favorables aux végétaux et à la vie.  Donc, si on travaille dans la forêt selon les lois de la botanique, de la biologie et de l’écologie de base, on favorise les conditions de croissance , de vie et de perpétuité de la forêt en question. Plus la forêt est « bien »  sur le plan botanique, plus elle peut nous donner. Pourtant, nous nous retrouvons tous face à une rupture des ressources mondiales et une crise environnementale, dont on ressentira plus violemment les effets dans les 20 prochaines années, (N .U . FAO Worldwatch Institute wri.org)  à moins de changements importants. Depuis quelques années,  Richard Desjardins, les Amis de la Terre, Greenpeace,  et tant d’autres ont dénoncé une situation dont on ne veut plus.  Depuis une dizaine d’années, l’Institut d’Écoforesterie travaille à élaborer et à nous offrir des solutions.  Depuis une cinquantaine d’années, Léonard Otis, Merv Wilkinson et tant d’autres, pratiquent l’écoforesterie chez eux et nous ont prouvé que la forêt nous donne plus de bois et de produits diversifiés de cette façon. La Canadian Ecoforestry Institute Association, affiliée à la Ecoforestry Institute, organisme international, a commencé en 1990 et a surtout pris de l’ampleur avec le volet scientifique lors des manifestations pour la protection de la Clayoquot Sound en 1994, en Colombie-Britannique. Depuis, l’Institut est actif dans des projets de gestion communautaire,  de forêts expérimentales, de projets éducatifs, dans la publication, l’éducation et tant d’autres.  Voici une traduction des principes pris dans le livre publié par l’Institut en 1997 : En construisant un guide à suivre pour évoluer harmonieusement avec nos forêts, l’Institut a fait cette liste provisoire de points que j’ai traduits à partir de leur livre, malheureusement seulement  disponible en anglais. #1 L’extraction d’arbres d’un peuplement.  On doit privilégier ce qui doit rester pour assurer la protection  des éléments tels que les espèces menacées, les sites d’importance culturelle pour les autochtones, le littoral et les milieux humides, les milieux fragiles, etc. #2 Garder le littoral intact.  Aucune récolte ne devrait se faire dans les zones les plus sensibles.  Protégeons la qualité de l’eau en minimisant les modifications aux systèmes naturels de drainage. #3 Maintenir une forêt qui demeure fonctionnelle par sa composition et sa structure. Les éléments importants à la structure, tels les arbres remarquables, les chicots et les arbres versés sont maintenus en laissant de  20 à 30% des arbres du canopé mourir de leur belle mort. (Bien distribués du point de vue de l’espace et des espèces sur le territoire sous gestion) #4 Utiliser la méthode de récolte qui aura le minimum d’impact .  Éviter la construction de routes et la compaction des sols forestiers autant que possible - toutes les routes doivent être petites,  elles doivent suivre les contours du relief ,  avoir un minimum de pente et  nécessiter un minimum de dynamitage. Utiliser des méthodes de débusquage légères et appropriées. #5 Planifier en fonction du réseau hydrographique. Même si le propriétaire ne possède, ni ne contrôle le bassin versant en question. C’est à l’échelle du bassin hydrographique qu’on doit planifier les zones de protection et les différents types et  intensités de récolte. #6 Prohiber la coupe à blanc (coupe totale, de conversion, C.P.R.S. etc. ) et utiliser les méthodes écologiquement convenables d’éclaircies partielles, sélectives ou ponctuelles, de façon à maintenir la structure de la voûte ou du canopé, la distribution de l’âge et le mélange des espèces qu’on retrouve dans une forêt en santé du type d’écosystème particulier. #7 Choisir les arbres qui seront des candidats à la récolte, selon l’ abondance et la redondance de leurs structures et leurs fonctions dans la forêt.  On laissera des arbres qui auront un potentiel faunique  (chicots, corps morts, abris, arbres fruitiers, etc.) #8 Permettre la régénération naturelle par les arbres semenciers dans l’aire de récolte.  La plantation est rarement nécessaire parce qu’une forêt diversifiée et parfaitement fonctionnelle est toujours maintenue, assurant la régénération naturelle. #9 Protéger le processus de succession écologique de la forêt  afin de maintenir la diversité biologique.  Le débroussaillage systématique est à éviter. Avec le temps, toutes les phases de succession devraient occuper tous les sites forestiers, même ceux qui sont gérés en fonction exclusive de production ligneuse. #10 Prohiber le brûlage des débris forestiers.  Le feu est parfois un outil acceptable dans des régions où historiquement le feu est un facteur nécessaire au maintien des peuplements forestiers, mais ceci doit être considéré avec le plus grand soin. #11 Prohiber l’utilisation des pesticides.  Les maladies, les insectes et la végétation herbacée et arbustive sont des éléments essentiels du fonctionnement de la forêt. #12 Maintenir et rétablir la qualité du sol forestier  en laissant des quantités suffisantes de débris de grosseurs variées. #13 Protéger la beauté.  Considérer les aspects visuels, auditifs et olfactifs du paysage. #14 On doit toujours considérer la forêt en son entier et essayer de voir comment chaque partie contribue  aux besoins et à la santé du tout. #15 Autant que possible, considérer et se fier aux résidents et aux marchés locaux.  Utiliser le concept du coût total (ex.: coûts écologiques et sociaux) dans notre comptabilité. #16 On devrait toujours se souvenir que la sagesse commence par la reconnaissance de nos limites et de notre ignorance.  Si on a des doutes, on peut attendre. Application de ces concepts et de cette mentalité dans nos communautés humaines Les forêts évoluent selon des cycles de 200 à 1000 ans et plus.  Une vie humaine peut atteindre 100 ans.  Un gouvernement dure de 4 à 8 ans.  Les institutions corporatives se gèrent selon des états financiers annuels. Les responsabilités courageusement reprises et assumées par les groupes populaires et les populations locales en régions constituent une tendance positive.  On voit présentement une participation grandissante dans la gestion démocratique, équitable et écologique, non de la nature mais des activités humaines dans nos milieux naturels. C’est cette tendance que je cherche à encourager par la synthèse, la traduction, l’adaptation et la diffusion de cette information bénéfique. Ce texte, si long soit-il ne fait qu’effleurer un concept aussi complexe et diversifié que l’Écoforesterie. Si je vous ai mis l’eau à la bouche et que vous voulez en savoir plus, consultez ces site: www.ecoforestry.ca www.windhorsefarm.org www.silvafor.org www.fscoax.org www.innu.ca www.unionpaysanne.com Il y avait tellement de choses à apprendre et à considérer.  Pour être vraiment efficace et obtenir les genres de résultats qu’on peut voir en visitant  la forêt de Léonard Otis, par exemple, (l’auteur de « Une Forêt pour Vivre »), il fallait considérer des facteurs comme :
  • l’âge et le rythme de croissance de l’arbre
  • les espèces présentées et l’état de la biodiversité
  • sa relation avec son peuplement
  • l’état de santé de l’arbre et du peuplement
  • le stade de succession du peuplement
  • l’âge du peuplement
  • l’orientation du peuplement, en rapport avec le soleil et avec le vent,
  • l’importance et les fonctions bénéfiques du peuplement forestier (brise-vent,  protection contre l’érosion, relation avec des cours d’eau, rivières à saumon,etc.)
  • son utilité pour la faune et autres organismes
  • sa fréquence
  • sa valeur génétique
  • l’architecture des arbres
  • sa catégorie de tolérance à l’ombre
  • leur degré de compétition
  • la topographie, pente, ensoleillement, vents dominants
  • le sol: la profondeur, la fertilité, l’acidité, la présence de champignons bénéfiques et autres formes de vie,
  • la hauteur de la table d’eau
  • l’utilisation des produits « non ligneux » (autres que le bois)  de la forêt
  • les utilisations artisanales et les marchés locaux
  • les lois et normes quand elles ont du bon sens
  • la superficie du territoire sous notre protection
  • les bienfaits qu’on veut léguer aux prochaines générations
  • les bienfaits qu’on veut léguer à la vie de la forêt
  • les aspects visuels, auditifs et olfactifs du paysage
  • et d’autres facteurs spécifiques aux lieux et aux participants.

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