Zegg, communauté allemande

par Emmanuelle Dennie-Filion À une heure de train de la magnifique ville de Berlin, dans une région plutôt aride de l’Allemagne se trouve la communauté ZEGG - Zentrum für Experimentelle Gesellschafts Gestaltung, dont le nom signifie Centre d’expérimentation sur la culture. J’y suis allé cet été y passer trois semaines accompagnée de neuf autres bénévoles provenant de divers pays, dans le cadre d’un «chantier jeunesse». Je suis arrivée à ZEGG par un beau dimanche de juin pour un stage de trois semaines en compagnie d’un Coréen, d’une Lethonienne, de deux Allemands, deux Italiens, un Turc et une Serbe. J’y ai découvert une communauté qui a été fondée officiellement en1991 après avoir vécu plusieurs années dans les Black Mountains près de la Suisse. Cette communauté s’est établie sur un terrain de 15 hectares à 80 km au sud-ouest de Berlin. Ce terrain fut utilisé au tournant du siècle comme ferme, a ensuite appartenu  au régime d’Hitler pour entraîner ses militaires et a finalement été utilisé comme base pour les services secrets. Beaucoup d’histoire est contenue dans  chaque  parcelle de ces quelques hectares!  Les principes de base derrière ZEGG viennent des textes (controversés) de Dieter Duhm et Sabine Lichtenfels qui ont maintenant créé une communauté «sœur» au Portugal se nommant Tamera. Aujourd’hui, à ZEGG, vivent environ 80 adultes et 20 enfants, en plus d’un flux constant de visiteurs qui y viennent pour des ateliers et conférences à thèmes divers, tels la communication, l’amour et les arts. Ces ateliers sont le principal moyen de subsistance pour la communauté. Le but premier de ZEGG est d’établir un centre de conférences et de recherches internationales sur le développement de modèles sociaux et écologiques durables. Ils tentent d’incarner ce but dans leurs actions de tous les jours. Ainsi, la majorité de ce qui emplit leur assiette vient de leur jardin ou de la région;  les nouvelles constructions se font de manière écologique et les décisions sont prises en plénière à l’unanimité, après avoir été réfléchies par un groupe composé de treize personnes : le conseil des treize. Une piscine remplie d’algues et de poissons ainsi que plusieurs arbres fruitiers garnissent le paysage. On y trouve des lieux de méditation dont un cercle immense au milieu du terrain où se tient la méditation matinale, un sauna, deux sweat lodges, un petit café, une boutique d’artisanat, des ateliers d’arts, etc. Chaque membre de la communauté doit soit payer un loyer, soit travailler dans la communauté en échange d’y être logé et nourri. La majorité des membres travaille dans la communauté. Il  y a bien des aspects de cette communauté dont j’aimerais vous parler, mais je vous laisse le soin d’aller consulter leur site internet, disponible en anglais, allemand ou espagnol. Les aspects politiques, écologiques, spirituels et éducatifs y sont très bien décrits. J’ai envie de vous raconter plutôt ce qui se trouve être l’aspect central de la communauté : le thème de l’amour ou l’amour libre. ZEGG est reconnu pour l’importance qui y est mise sur les relations interpersonnelles. L’accent est mis sur la redécouverte de l’amour pour soi et de l’amour pour les autres, un amour libre, c’est-à-dire libéré de la peur. Chaque personne dans la communauté devient alors un miroir de nos propres angoisses et une mine d’or d’apprentissage. Des cercles de femmes et d’hommes ont lieu chaque mois pour partager. Ils se réunissent dans des lieux réservés exclusivement aux femmes ou aux hommes pour discuter des angoisses et des joies reliées à leur rôle dans la société. Des chants, de la danse et un cercle de parole du côté des femmes, alors que du côté des hommes on m’a dit que beaucoup de discussions animaient la soirée. J’ai eu la chance de participer au cercle des femmes le dernier soir de mon séjour alors que j’avais la mine plutôt basse; l’expérience a été incroyable. Assise aux côtés de ces femmes de 20 à 65 ans, d’origines diverses, à partager nos espoirs et nos craintes, une femme a demandé aux autres : Qu’est-ce que ça veut dire «être femme» et des réponses toutes différentes sortaient de chacun de nos coeurs. Une cure merveilleuse à ma tristesse que de voir la force qui nous est donnée d’être femme. Existe aussi un autre outil de communication particulier à ZEGG : le forum, ou à tour de rôle un individu prend la parole au centre d’un cercle formé des membres de la communauté. Tous l’entourent pour symboliser la protection de celui qui au centre, trouve le courage de mettre son cœur à nu. Le partage est libre et une personne s’occupe de coordonner le forum et d’encourager l’individu à exprimer ses angoisses, ses joies, ses peurs ou certaines tensions vécues avec d’autres, tantôt par la danse ou par d’autres moyens qu’elle croit propices à déstabiliser la peur et intensifier l’expression. Le forum est, selon plusieurs personnes, la clé de la survie de leur communauté. Il permet de mettre au jour les problèmes et les succès de chacun. Notre groupe de 9, originaires de pays multiples en avons fait l’expérience à la suite d’une fin de semaine plutôt tendue. À tour de rôle, nous avons pris la parole au centre, encouragés par une femme de la communauté. Elle demanda à Liga, la Lethonienne, de chanter, à Irene, l’Italienne, de danser, à Patrick, l’Allemand, de choisir 3 personnes et de leur exprimer une qualité qu’il avait découverte chez eux. Notre ami coréen ne put s’exprimer en anglais, alors il décida de nous adresser chacun un message en coréen dont personne ne comprit un mot, mais notre coeur entendit le message.  Bien des angoisses, des déceptions et des vérités sont sorties de l’obscurité à ce moment et nous avons pu poursuivre notre expérience, motivés par un respect profond de nos différences. Il y eut un rapprochement remarquable dans notre groupe. Dans  leur exploration des relations interpersonnelles, en plus des outils de communication, plusieurs membres de la communauté choisissent de vivre des périodes ou une vie entière de polygamie pour s’ouvrir davantage aux autres et développer leur confiance en autrui. Ma tête a eu bien de la difficulté à comprendre pourquoi des gens choisissaient ce mode de vie. Mon côté rationnel me répétait sans cesse que la jalousie était inévitable en ce bas monde et de vagues souvenirs Walt Dysnéens qui avaient rempli ma jeunesse de rêve du Prince Charmant me tourmentaient. C’est aussi l’aspect de la communauté qui a semé le plus de controverse dans les environs ou qui pousse de nombreuses personnes à venir y faire le tour. Dans notre groupe de chantiers, c’est assurément le sujet qui a alimenté le plus de discussions. Certains étaient révoltés de ce mode de vie alors que d’autres en étaient fascinés. C’est ainsi qu’après plusieurs discussions avec des membres de la communauté, il a bien fallu que ma construction sociale prenne congé puisque j’ai eu la chance de voir plusieurs personnes qui arrivaient à vivre simplement et sans jalousie leur relations polygames. J’en ai également rencontré d’autres qui étaient verts de jalousie. Comme quoi à chacun sa voie. Un habitant de la communauté m’a dit un jour qu’il croyait que la jalousie découlait d’un manque de confiance en soi et d’insécurité. Certains jours, il se sentait fort et appréciait les contacts que sa partenaire avait avec d’autres hommes; d’autres jours, plus faible, son cœur avait envie de fondre en larmes. J’ai tiré de ces trois semaines la conclusion personnelle que le monde existe par sa diversité et que ce qui rend une personne heureuse ne correspond pas nécessairement à une autre. À nous de prendre le temps de se connaître. Pour ce qui est de l’amour libre, j’ai créé ma propre définition que j’ai envie de partager avec vous. Pour moi, l’amour libre, c’est un contact profondément vrai avec une autre personne, peu importe la nature, pour autant que le respect et la confiance soient présents. À chacun sa définition, à chacun son expérience, mais la question des rapports amicaux, amoureux et sexuels reste fascinante car, ignorée, elle peut détruire bien des relations, voire certaines communautés. Je m’arrête ici. Je laisse la petite graine plantée germer et si l’envie vous prend d’avoir plus d’informations vous pouvez m’écrire, ça me fera plaisir de partager avec vous.   Références:  Zegg www.zegg.de Chantiers jeunesse www.cj.qc.ca Chantiers Jeunesse est un organisme québécois à but non lucratif qui permet à des jeunes de 18 à 25 ans de vivre une expérience interculturelle, de créer des liens internationaux, de contribuer à la vie d’un village ou d’un organisme et de voyager en découvrant vraiment les gens du pays.

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