De la peur et de la naissance

par Sacha Thomas L’homme s’est sédentarisé depuis l’aube des temps afin de faire face de façon plus efficace à certaines menaces extérieures pour protéger sa vie, son intégrité ou celle de ses semblables. Au fil du temps, cette sédentarisation s’est peaufinée en villes et villages, jusqu’à l’avènement des mégalopoles que nous connaissons de nos jours. Tous ces progrès ont effectivement eu raison de certaines de nos peurs les plus primales – celle d’être tué et dévoré pour certains, d’être la victime d’épidémies pour d’autres, de traverser la rue sain et sauf pour d’aucuns – mais avec chaque nouveau pas vers le confort rassurant de la lumière électrique et des murs de béton insonorisés, l’homme s’est également éloigné d’une partie de lui-même. Et l’homme troqua progressivement un savoir inné contre des pantoufles de plus en plus confortables. Cela n’est un secret pour personne, mais trop peu nombreux sont ceux qui entameront réellement le chemin inverse, celui de la redécouverte des pouvoirs tapis au fond de soi et des possibilités incroyables que recèle notre corps. Dans cette veine, la mise au monde des enfants dans notre civilisation occidentale a connu une lente dégradation sociétale au fil des siècles. La femme s’est effectivement éloignée progressivement d’un savoir naturel ancestral qui lui assurait un accouchement simple et facile. En lisant les auteurs antiques comme Aristote ou Hippocrate, il n’est mentionné nulle part que l’accouchement est sensé faire souffrir. L’un comme l’autre mentionnent la présence de quelqu’un qui connaît les plantes appropriées, permettant un climat agréable autour de la future mère. Les choses ont commencé à se dégrader avec l’avènement du christianisme. Le sexe et tout ce qui y était relié furent, dès le bas Moyen-Âge, déclarés tabous. Les sages-femmes, celles qui avaient un accès direct à la nature et qui connaissaient les remèdes, furent souvent taxées à tort de sorcières et brûlées vives sur les bûchers de la sacro-sainte pureté. Les femmes qui accouchaient furent isolées, avec l’interdiction de leur venir en aide. Ce qui était jusqu’alors considéré comme une bénédiction devint rapidement une maladie honteuse qu’il fallait soustraire au regard des bonnes gens. Une aura négative s’abattait alors sur les jeunes mères, créant un stress et une peur de l’accouchement qui rendit celui-ci plus difficile, ce qui eut tôt fait de relier l’enfantement à un événement pénible et douloureux. Les choses ne s’améliorèrent que très peu aux temps modernes avec l’avènement des hôpitaux! La mortalité infantile, tout comme celle de la mère, étaient encore effrayantes! En soi, être enceinte, c’était presque un quitte ou double – soit tout se passe bien, soit, dans le meilleur des cas, un des deux va survivre! Et la croyance que l’accouchement était inéluctablement douloureux était déjà solidement ancrée dans les mœurs. C’est de cette époque-là aussi que nous viennent les sangles immobilisant la femme en position couchée, la plus inconfortable si l’on veut profiter de la force de la gravité – pensons aux femmes s’accrochant à la branche d’un arbre, ou accroupies. De là aussi nous vient ce pseudo réflexe de haleter comme un chien lors des contractions! Cela n’était à l’origine qu’un moyen pour que les médecins n’aient pas à subir les cris pendant leur travail! Pourquoi en serait-il ainsi? Pourquoi la femme serait-elle la seule de tout le règne animal dont l’enfantement serait douloureux? Et pourquoi donc, dans les sociétés « archaïques » telles qu’on les trouve en Inde, chez les Inuits ou en Afrique, les femmes semblent-elle en mesure de donner la vie sans douleur apparente? La peur est la cause à éliminer! Physiologiquement, l’utérus est constitué de deux séries de muscles antagonistes. Une paroi interne aux muscles horizontaux qui agissent comme une poire de klaxon que l’on presse, poussant l’enfant à descendre, et une paroi externe faite de muscles verticaux, aidant le col de l’utérus à se dilater, ouvrant grand la porte à l’enfant désireux de sortir. La douleur ressentie lors de l’accouchement provient du frottement de ces deux muscles l’un contre l’autre, ce qui fait effectivement mal. Mais c’est oublier que la nature a pourvu les femmes d’un matelas de tissus sanguins sensé faire glisser les muscles sans contact, et donc sans douleur. Le corps provoque lui-même les anti-douleurs les plus puissants qui soient: les endorphines. Mais la peur, elle, fait déverser de l’adrénaline dans le corps ce qui a pour effet immédiat de court-circuiter l’endorphine et d’envoyer le sang aux extrémités, à savoir dans les pieds, les mains et à la tête. Le matelas protecteur n’étant plus irrigué, les muscles font frotti-frotta, et cela fait mal! Et le mal provoque la peur d’avoir mal de plus belle. Et vlan, le cercle vicieux est lancé! Il existe heureusement à ce jour plusieurs méthodes pour éliminer la peur et profiter d’un accouchement fluide et harmonieux. Chacun peut trouver la sienne, comme d’accoucher dans l’eau par exemple (quoique ce ne sont pas tous les bébés qui ont envie de naître dans l’élément liquide! Écoutez-les!!). Pour ma part, je fais confiance à présent à l’hypnonaissance. Voici comment Jean-Claude Zékri, accompagnateur en hypnonaissance (entre autres) à Montréal, décrit cela dans un de ses articles : « L’HypnoNaissance est un programme prénatal alternatif basé sur l’hypothèse que seul l’esprit prime. Le corps répond, suit l’esprit : la douleur n’existe pas donc le corps ne peut ressentir de douleur. Le programme est fondé sur le fait que l’auto-hypnose s’apprend en rejoignant ce niveau de conscience où les suggestions que l’on se donne influencent de manière efficace l’expérience physiologique en dissipant la peur, la tension et l’inconfort durant le travail. L’accouchement est rempli d’attente programmée en relaxation profonde, en conscience totale et en confiance, du fait que le corps va assumer les fonctions pour lesquelles il a été créé: assister plutôt que résister. » Point de drogues et d’anesthésiants qui empêchent, à mon sens, de vivre pleinement ce moment miraculeux. Par contre, quelques petites techniques de relaxation à apprendre et, si l’intensité du moment est bien réelle de même que la conscience à tout ce qui se passe, la douleur est quant à elle bien absente! Tels que nous les avons vécus, les cours prénataux d’hypnonaissance nous enseignent tout d’abord l’historique complet de la relation entre la peur et la naissance, tel que je vous l’ai brièvement décrit ci-dessus. De plus, plusieurs bienfaits des techniques de massages et de pressions que le conjoint peut apporter à sa douce durant le travail afin que celle-ci le vive plus sereinement ; et surtout, un apprentissage d’auto-hypnose visant à nous permettre de nous centrer, quelles que soient les conditions. Les maisons de naissance semblent d’ailleurs de plus en plus à l’écoute de cette méthode! Nous avons eu, quant à nous, la grande chance de nous faire accoucher par une sage-femme enceinte elle-même et suivie en hypnonaissance. Quand elle a vu comment cela se passait (à merveille bien entendu!), elle s’est faite très discrète tout au long de l’accouchement! Notre souhait d’accoucher à deux s’est réalisé! Il me faut toutefois noter que, même en maison de naissance, le concept de douleur lié à l’accouchement reste fort présent! Dans les cours prénataux, il était question d’apprivoiser la douleur, comme si celle-ci était inéluctable! La vidéo que nous avons vue et qui reflétait pour eux un accouchement « normal et paisible » était tellement différente des vidéos de femmes accouchant en hypnonaissance! L’effort pénible et douloureux d’une part, la méditation sereine de l’autre! Précisons qu’il s’agit bel et bien d’une hypnose consciente, basée sur la confiance que l’on accorde à l’accompagnateur, et que nous restons totalement présents du début à la fin. Un conseil encore, pour toutes les futures mamans… lorsqu’une partie de votre corps est tendue, c’est tout votre corps qui est contracté, y compris l’utérus! Mon amoureuse a, du début à la fin, gardé trois zones repères, afin de s’assurer d’être bien relaxée: la mâchoire (fortement liée au col de l’utérus!), les mains et les pieds. Si ces trois zones sont relâchées, il est fort à parier que vous êtes sur la bonne voie! Et, par pitié, évitez les personnes avides de vous raconter les pires histoires d’accouchement qu’elles connaissent! Entourez-vous de personnes qui comprennent votre démarche et vous aideront à prendre confiance en vous! Je suis à présent papa d’un petit Florient de trois mois et je puis témoigner combien il est inspirant de voir sa conjointe mettre au monde le plus simplement possible, comme si elle était en pleine méditation!

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