Être adulte est-il souhaitable ?

par Renée Archambault

Au tout début, nos yeux voient le monde pour la première fois. Chaque nouvelle expérience nous remet au monde avec énormément d’excitation. Chaque expérience nous modèle, telle une vie qui s’imprime peu à peu. Nous sommes neufs et tout nous revient, rien n’existait avant nous, tout est facile.

Pourquoi faut-il s’éloigner de cette vague qui nous donne vie, même si ce n’est plus exactement comme pour la première fois ? Pourquoi faut-il que l’on nous fasse croire que les jeunes sont ceux pour qui ça compte vraiment ? On propose trop souvent aux adultes de s’oublier, comme si la vie se terminait à 30 ans, comme s’il n’y avait pas assez d’amour sur terre pour tous ses habitants, comme si le lot des adultes était de vivre dans l’ombre de leurs enfants, de leurs obligations ou de leurs années de jeunesse. Finalement, il n’y a que les enfants et les jeunes pour qui la vie est importante.

Et si les adultes avaient besoin de garder un lien avec leur jeunesse ? Les adultes ne sont jamais tout à fait adultes. Les enfants ne sont jamais tout à fait enfants… La maturité sommeille en eux, tout près, la maturité s’éveille et se rendort. L’adulte abrite un enfant souvent mort-né, un enfant qui n’est plus admis, un enfant qui, s’il était reconnu, lui apporterait jeunesse. Pourquoi faut-il être soit enfant, soit adulte ? Y a-t-il quelque chose de tout à fait pur dans la nature ?

Qu’arrive-t-il lorsque l’on perd le contact avec sa jeunesse, avec ses rêves, avec sa vitalité, avec soi ? Qu’est-ce qui nous pousse à nous lever le matin ? Qu’est-ce qui distingue une personne d’une autre, à part ses rêves, sa personnalité et son physique ?

L’adulte se perd trop souvent dans la nuit des temps, dans un espace où plus rien n’est connu, plus aucune référence ; une descente où même la forme de son corps est indistincte, où il se perd de plus en plus, où il s’éloigne de lui et de son but. Impressions angoissantes que l’inconnu, l’errance, l’impuissance, la non-reconnaissance. Combien de temps peut-il vivre dans ce puits sans fonds, dans cette noirceur d’où il ne voit plus son image ?

Inconscient de soi ? Entend-il son cœur battre ? Voit-il l’éclat de sa peau ? Perçoit-il une inspiration à certains moments de sa vie ? Reçoit-il parfois des confirmations de son chemin ?

Aucun ne mérite de se perdre, si ce n’est pour se retrouver doublement. Aucun ne mérite de souffrir, si ce n’est pour quintupler sa force.

Plus j’avance et plus mon moi grandit et plus mes besoins se font pressants. Je ne voudrais pas ne plus avoir besoin des autres, mais en avoir le besoin d’une façon différente.

Que chacun puisse s’arrêter, se chercher, jusqu’à ce qu’il se trouve. Qu’il se trouve, qu’il se goûte et qu’il ne se perde plus jamais, sauf pour un bref instant.

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