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La Vérité sur tout !
par Celan Lavalé
La vérité - oh! Pourquoi pas la majuscule tiens! La Vérité, un mot qui prend le micro au nom des autres sans leur demander… La Vérité pour les fous qui ne se savent pas fous, les fous normaux, - et les débuts de vérité pour les autres. La vérité c’est ce que tu dis, dans une phrase entamée dont tu ne connais pas la fin... Méfie-toi de ce qu’on dit. Le ‘on’ du tout le monde le dit, l’orgie du consensus.
Méfions-nous des modèles uniques. La dictature intégrale internationale. L’autorité démonstrative du modèle idéal, avec ses mots totems: une Théocratie si ça nous chante sur le trémolo tandem des papes et des présidents, le mot Terrorisme devrait nous faire trembler alors que c'est notre monde familier... Est-ce que ça te dirait un peu d’Anarchie pour qu'on se mette sur la map du grand Google Me Sweet Eye Lord? Des mots des mots Démocratie nous ritournelle Richard Desjardins; et dans notre jardin, bio par-ci, biométrie par-là, si on ne questionne pas les mots ornements, parce que quoi? – et s’ils nous mentaient...
«Sans agent de conservation!!» disent des emballages, mais what? vous avez une liste longue comme ça d’ingrédienticides ascobatoses exorbitanols patatriques… «Sans OGM!!» mais une bonne tasse de pesticides… Ou le contraire: des produits bel et bien éthiques mais surdosés de bonnes intentions (vous savez: la poésie, hélas): «Des guédilles qui vous feront sourire à la vie!», «Les gnocheries sans sucre ni rien, pour le pureté de votre âme…», des étiquettes qu’on dirait écrites par le Dalaï-Lama et qui donnent envie de procéder à des messes noires et insanités en réaction! Parce qu’un langage de babas illuminés vaut quand on le vit, ces quelques rares instants de bénédiction: un regard, un détail, un instant, une méditation; mais une fois rendu à l'épicerie, pourléchez-vous le derrière les chiots poétiques! Des multinationales sans âme nous servent de la schnoutte dans du papier rose-mamour et vert-bio: verbiage!
Mais les mots… ah les mots creusent leur sillon, creusent et creux des compagnies détestables finissent toujours par récupérer les carcasses vides à leur profit. Souveraineté est devenue le mot-clef d’une organisation politique richement supportée, or il n’y a plus de projet derrière ce mot que cette organisation brandira encore souvent. (Et il y a parfois lieu d’avoir peur des gens qui votent pour le même mot que nous… Bon, autre problème)
LE CHANGEMENT. Ça, tout le monde s’en souvient (j’espère). Le maître mot des dernières élections. Parfois c’est très simple, dans un sondage, on demande d’entourer les mots les plus appréciés (quoiqu’ils veuillent dire pour la personne sondée). Les compagnies de marketing vendent le mot aux conseillers politiques et on se retrouve empêtré avec un mot empaillé.
Pourquoi pas? Lisez Machiavel, c’est comme ça que ça marche. Les maisons de sondage, les groupes publicitaires, les conseillers et lobbyistes, tout le monde est mort de rire quand ils voient les bonnes intentions et les lyrismes personnels étouffer l’esprit critique et nourrir leurs campagnes en manque d'imagination. Mots, modes - passagères.
Un mot: capitalisme. Pourtant, Marx lui-même appelle à la nécessité d‘un capital à la base de son utopie. Les plus anciennes sociétés humaines, - les plus idylliques qu’on puisse imaginer! - avaient aussi à capitaliser leurs ressources avant l’hiver. Les mots font les cibles faciles, les mots plastrons. Qu’est-ce que ça cache? Certains tics de ce système sont à critiquer, certes, blâmer des pratiques, déplorer l’influence des spéculateurs qui corrompt la valeur intrinsèque des choses, - mais arrêtons de mordre le mot chien! Capitale de la bêtise et de la critique standardisée!…
Les mots morts font les folklores. Un mot: yoga. Ça évoque des mots comme tunique ample, zen crounch bouddha boude patati tatami, le kit parfait de la spiritualiste en herbe, la banalité la plus complète qui fait fi d’une longue tradition et d’une technique spécifique, mais surtout, d'un mode de vie qui ne correspond en rien à la pause yoga du midi sur la go, métro boulot yoga, une grosse aliénation métacompliquée de gogosses et d'égo que le mot même - yoga, hon! refelemele... - recouvre d'un sexy reluisant. Dans un parc, quelqu’un qui s’étire, quelqu'un qui n'a rien à dire passe et commente: «‘fait son yoga!» Yoga, peut-être que oui, ou non. C'est peut-être du Chi-Kong mais de ce temps-ci c'est le yoga que la mode a décidé d'assassiner. C'est peut-être aussi quelques gestes très instinctifs... Nommer plutôt que voir: quelqu’un en train de devenir un conduit entre le ciel et la terre, reconnecter l’intelligence d’un corps-pensée, ritualité personnelle, etc… et chercher etc… tout ce qui peut se dire à la place de dire le mot yoga et qui mène à l’ouverture d’une pensée plutôt qu’à du simplifié résumé d’une platitude.
Des mots transcendentaux qui veulent tout dire étouffent ce qu’on aurait pu dire à la place. Mot nu ment, pour le succès du malentendu et/ou de l’hypocrisie. Le mot impose silence, prétend avoir tout dit, prétend contenir toute l’exhaustivité alors qu’au contraire, plus il se propage, moins il a de contenu. Quand le mot est dit, tout est dit, dit-il, le mot barricadé. Qui prétend tout dire ne dit rien: squelette. Les idées qui s’arrêtent sur un mot, c’est qu'elles sont – mortes.
De même qu’il y a à se méfier des savants dialectes trop épicés en jargons conceptuels, - à quel moment est-ce qu’une théorie plane trop haut au-dessus de son objet? Qu'elle ne parle plus à personne? Oui à la complexité, non au compliqué! (se méfier des slogans). Attention aux croques-morts de la dissection. Les mots simples ne sont pas ceux qu’on pense. Anticonstitutionnellement est un mot simple. Beau est un mot complexe. Nommer, c’est disposer hors-soi, comme la science prétend le faire de tout objet, pouvoir encadrer une réalité soi-disant objective par des contours positivistes et exacts; ou comme les psychologues de la consommation, fixer les humains en objets. C’est une vision du monde, cette vision de la langue; autre est la vision qui pense que la langue nous est indissociable. Penser unité comprend le multiple; penser sectaire découpe la vie en saucissons.
Les mots font les fondamentalismes imbécile: si une végétarienne me refuse la croix d’honneur d’être ‘presque’ végétarien («on l’est ou on l’est pas», dit-elle) – misère! Qu’on me permette d’honorer la table de ma mère et de ne pas écoeurer l’hospitalité carnivore de mes amis! Cette végétarienne furieuse ne comprend pas l’engagement, même si c’est juste ‘presque’. (Et puis… quand on est trop près de la bénédiction papale, il est si doux de s’encanailler… Les fondamentalistes ne comprennent pas le souriant exotisme du péché!)
Le mot arrêté ne comprend pas les nuances de l’être qui louvoie avec la vie. Il n’y a qu’un rythme continu qui sache faire corps avec cet être vivant, dans tout ce qu'il est et l'environnement qui s'immisce en lui. Le tissage des mots filés dans l'être qui se dit. Pas le gars qui répète l'autre. Pas le discours des politiciens, avec leurs quelques épellations écrites par des écriveurs de ce qu’il faut dire, le mot qui tue, le slogan qui tait, le mot justicier… (Celui qui transforme sa langue en instrument pour agir sur la pensée de l’autre est un manipulateur). Pas le discours qui répète du répété qui est absence complète de celui qui revomit son par-coeur (voyez le regard de poisson-mort de celui qui n’est pas un avec son discours, qui ne vous regarde qu’avec des hameçons); mais plutôt le discursif de celui qui regarde son interlocuteur pour en suivre le rythme des interrogations, éclaircissements, étonnements, qui s’improvisent dans la pensée de l’autre.
Et qu’on ne dise pas qu’il est difficile d’exprimer sa pensée sans le raccourci des mots-clefs. Il n’y a pas de pensée cachée dans le repli du cerveau. Si c’est difficile à dire, c’est que c’est difficile à penser. Alors, parle: on peut bégayer, se répéter, se tromper, recommencer, chercher ses mots, dans le pêle-mêle confus, inattendu, des broderies fleuries nées d’éclairs de compréhension humaine. Un facilitateur d'émergence du clown en soi avait dit une fois, face à un bougre à bout de clownerie devant la classe, une ambiance remplie de tension, entre la beauté du dévoilement humain et du malaise: "Autorise-toi le silence du fil perdu. Trouve-toi dans le nid-de-poule de tes idées et trouve l'autre. Permet-toi de te surprendre." Ah quel moment! Quelle vérité j'habiterais si j'étais pas poussé comme chacun à me jeter dans du préfabriqué, je m'habiterais plutôt que de louer une maison-modèle dans une banlieue champignon...
Y aller à coups de hache dans la langue de bois et s’étonner soi-même avant même d’étonner les autres. Trop risqué pour une personnalité publique: on se garde de se laisser glisser dans un discours personnel quand on a des mensonges à sinuer en dessous des formules ronflantes. Les trucs et manigances, facilités, méthodes et quoi dire pour le flirt qu’on apprend dans les magazines de mode, les figures de style et les masques pour bien paraître, - c’est triste. Se sentir faux, c’est tragique. Se rendre compte qu’on est le perroquet d’une sénilité verbale. Le constater, c’est une évolution, reste plus qu’à jouer. S’adonner à la périphrase, contourner le mot, inventivité, idiolecte, faire germer des perplexités s’il le faut! Introduire les subtilités de pensée que navrait la catéchèse. Les mots doivent se multiplier, ainsi ils échappent aux idéologies, créer de la multitude en devenant unique. On peut répéter comme des singes les mots de quelqu’un d’autre, mais pas un raisonnement, une sensibilité à un problème dans son étendue; pour le répéter, il faut l’intégrer, - d’intégrité.
Pourquoi ainsi renouveler son approche de la langue? Pour ne pas tomber dans la même trappe que Roland Barthes, en croyant que la langue est fasciste. Car ce n’est pas la langue qui est fasciste, mais les institutions qui l’investissent, la prennent en charge, et ses colporteurs familiers. Contrôler la langue c’est contrôler la pensée; ce qu’on peut dire = ce qu’on peut penser. Babyloniens de 1984, singez la novlangue!
Le lecteur de Aube est appelé à renouveler sa société, sa culture qui est vision de sa société, et pour cela, traverser les mots, qu’ils ne deviennent pas des slogans charriés par les modes. La lectrice de Aube est porteuse d’un discours et le discours la porte. Ne pas en prendre conscience c’est courir vers l’échec, rester aliéné au système et aliéné dans sa propre illusion, faire l’affaire de ceux qui sont confortables dans leur -langue-culture-société- réactionnaire, dans le racisme, le sexisme bidirectionnel, les dogmes, les jokes connes, la division, l’exclusion.
Désidentifiez-vous des mots! Brodez votre irréductible pensée en larges volutes!
Fin de l’homélie, maintenant: doutez de moi, critiquez-moi.